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tant de Français égarés. Nous avons toujours aimé, toujours désiré l’alliance; nous la croyons également commandée par les intérêts des deux parties et par l’intérêt plus grand encore de l’humanité tout entière. Seulement, pour la cimenter, un traité ne paraissait pas nécessaire. La France et l’Angleterre ne l’ont pas attendu pour se lier par un commerce actif; ce commerce s’élève aujourd’hui à 700 millions par an, et il ne cesse de s’accroître; depuis dix ans seulement, il a doublé. Qu’on cherche à l’activer encore par des réductions réciproques de tarifs, rien de. mieux; qu’on s’entende pour prononcer à la fois ces réductions des deux parts, rien de mieux encore. Le danger consiste uniquement à s’engager pour l’avenir. L’alliance même peut en souffrir à cause des craintes, exagérées sans doute, mais profondes, que suscitent chez nous de pareils engagemens avec une nation riche et hardie dont on redoute l’esprit d’entreprise. L’indépendance dans la bonne harmonie, voilà la vraie politique des deux gouvernemens.

Définitif en ce qui concerne la France, en vertu des pouvoirs extraordinaires que l’empereur tient de la constitution, le traité est en ce moment soumis à l’approbation du parlement anglais. Nous ignorons quel en sera le sort, car il soulève une assez vive opposition. Nous allons raisonner dans l’hypothèse la plus probable, celle de l’adoption. Il ne contient d’ailleurs qu’une partie du nouveau programme, la plus importante, il est vrai.

Commençons par les matières premières, qui vont désormais, dit-on, entrer en franchise de droits. Cette annonce serait des plus heureuses, si elle apportait un changement notable à ce qui existe; mais il paraît difficile d’en attendre une influence appréciable sur les prix, quelque chose comme l’inauguration de la fameuse vie à bon marché. C’est ici surtout que ce qui reste à faire n’est rien auprès de ce qui est fait. Les matières premières sont de plusieurs sortes : celles qui servent à la subsistance publique, comme la viande et le blé; celles qui servent à la confection des tissus, comme la soie, la laine, le coton, le fin et le chanvre; celles qui servent aux autres industries, comme le bois, la houille, les minerais.

Pour la viande, il n’y a rien à faire, puisque l’ancien droit protecteur, soit sur les animaux vivans, soit sur les viandes fraîches et salées, a été supprimé depuis six ans. Pour le blé, il est maintenant démontré par les faits que l’échelle mobile n’exerce sur les prix qu’une action insensible, et qui se résout beaucoup plus en baisse qu’en hausse, par les obstacles qu’elle met à l’exportation et par la désorganisation qu’elle apporte dans le commerce des grains. Elle vient d’ailleurs d’être rétablie, et on ne parle pas de l’abolir.

Pour les soies, les lins et les chanvres, il n’y a rien à faire, le