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de femmes, il y en a que le vice a flétries ; cependant les femmes honnêtes qui gagnent leur vie dans le même atelier travaillent tout le jour côte à côte avec elles; elles subissent leur contact et peut-être leur amitié, car il n’est guère possible d’isoler son âme dans cette promiscuité forcée.

Ce qui caractérise la situation des femmes travaillant en commun dans un atelier, c’est qu’elles souffrent par leurs vertus. Otez-leur les vertus de leur sexe, et il n’y aura plus de motif pour les plaindre. Le travail n’est pas plus fatigant à l’atelier que dans la mansarde, et il s’y fait souvent dans de meilleures conditions pour la santé et le bien-être de l’ouvrière. On peut même penser qu’à ce point de vue la manufacture est plus avantageuse que la fabrique proprement dite : il est bien entendu que cette remarque ne s’applique pas aux professions insalubres. Plus la manufacture devient considérable, et plus le patron s’élève en richesse, en importance sociale; en même temps qu’il s’élève, il comprend mieux ses devoirs envers les instrumens vivans de sa fortune, et il a plus de moyens pour les remplir. Certes on rencontre encore un très grand nombre d’ateliers où le patron n’est qu’un calculateur sans cesse préoccupé d’augmenter la vente et de diminuer les Irais aux dépens de qui il appartiendra; mais qui ne sait que déjà quelques-unes de nos grandes industries rivalisent à qui fera le plus de bien aux ouvriers? Quand on construit les ateliers, au lieu de ménager l’espace pour diminuer la dépense, on veille à faire arriver à flots l’air et la lumière, ces deux puissans véhicules de la vie et de la santé. Quand une industrie a des effets délétères, on demande à la science des outils, des remèdes, pour diminuer au moins un malheur qu’on ne peut supprimer. Tantôt on organise dans les ateliers un système de primes, tantôt on fonde des caisses locales de secours. Les fabricans s’occupent de l’approvisionnement pour les ouvriers; ils rendent leur vie meilleure et moins chère en supprimant les intermédiaires coûteux. Sur différens points du territoire, de véritables hommes de bien ont créé autour de leurs ateliers des colonies où l’ouvrier trouve à bas prix un logement commode, un jardin, des soins pour ses maladies, des livres même, la chance de devenir un jour propriétaire de sa maison par voie d’amortissement, non-seulement le bien-être, mais un peu de luxe, en un mot des conditions meilleures que ce qu’il aurait pu réaliser par le travail le plus opiniâtre et le plus heureux, s’il était demeuré livré à ses propres forces. Ces fondations n’ont pas le caractère transitoire des œuvres de bienfaisance; elles ne disparaîtront pas avec les hommes éclairés qui en ont pris l’initiative. Tout indique au contraire qu’elles sont les premiers et honorables essais d’un système qui tend à s’établir et à se généraliser. D’abord,