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tendu qu’on ne l’avait d’abord supposé. Les statistiques ont démontré la transmission héréditaire d’une foule d’affections chez ceux qui n’ont pas pris un soin particulier et de tous les jours pour en arrêter le germe : la phthisie, la goutte, le cancer, passent des parens aux enfans, et tout donne à penser que, si l’on tenait un registre plus exact des maladies dont chaque individu est atteint, on constaterait bien des transmissions maladives qui ne sautent point encore aux yeux. Le fait de l’hérédité nous est en outre révélé par l’apparition chez plusieurs générations successives de certaines anomalies dans l’organisation. C’est ainsi que l’on a vu chez divers individus d’une même famille, issus les uns des autres, la main présenter six doigts, le corps offrir certaines difformités particulières ou même de légers signes de la peau, comme le pois chiche (cirer) que Cicéron tenait de son père, et qui lui valut son surnom. Mais ce sont avant tout les maladies du cerveau et du système nerveux qui présentent ce caractère de transmissibilité. Les statistiques sont à cet égard d’une triste éloquence : la grande majorité des aliénés, des idiots, des épileptiques, des individus affectés de ce dérèglement des mouvemens qu’on appelle chorée, descendent de personnes qui avaient eu de semblables maladies ou chez lesquelles le système nerveux était profondément altéré. L’hérédité a aussi été reconnue pour la pellagre, maladie qui se transmet surtout par la mère en suivant le sexe féminin ; la surdi-mutité provient le plus souvent de la constitution scorbutique des parens, et le docteur Allibert a remarqué que la cécité de naissance apparaît parfois chez les enfans de personnes affectées d’une extrême myopie.

Cette hérédité des maladies du cerveau et des organes de la sensation se rattache du reste à un fait plus général, la transmission plus ou moins complète de la constitution intellectuelle, liée elle-même à celle de l’encéphale. Il y a longtemps qu’on a observé chez les enfans la tournure d’esprit, le caractère, les penchans, les goûts et même les manies et les tics de leurs parens. Chacun présente, associés dans des proportions variables, les élémens du caractère de son père et de sa mère, de même que dans notre visage on discerne presque toujours les traits des auteurs de nos jours ; ordinairement c’est la physionomie de l’un qui prédomine, mais il est rare qu’on ne découvre pas, même chez l’enfant qui ressemble le plus à l’un de ses ascendans, quelques détails empruntés à la figure de l’autre, et de là, soit dit en passant, la diversité des impressions que lait sur autrui la vue d’un enfant où tel reconnaît la physionomie du père, tandis que tel autre y retrouve les traits de la mère.

Cette hérédité n’est donc pas la transmission intégrale et absolue d’un certain patrimoine physiologique. Les parens atteints d’une maladie ne la lèguent pas nécessairement à tous leurs enfans. Le