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connoître que par pusillanimité vous voulez vous décharger de cette affaire. Il faut découvrir, et par torture, si besoin est, quels sont les conjurateurs et conspirateurs, afin que nous y pourvoyions à temps et ne soyions pas surpris. Saint-Vallier et d’Escars savent tout... Nos ennemis sont de tous costés en nostre royaulme, et Bourbon fait gros amas de gens du costé de cette ville. Vous voyez l’imminent péril qui est à nos portes. Parquoy pourvoyez-y en sorte que mal, dont Dieu nous veuille garder, ne nous advienne. »

Heureusement le péril se dissipa plus vite qu’il ne devait l’espérer, et moins par la prévoyance de ses mesures que par les hésitations, le défaut de concert et l’impuissance de ses ennemis. L’armée anglo-flamande n’avait pas continué sa marche sur Paris. Elle avait voulu auparavant opérer sa jonction avec les lansquenets du duc de Bourbon, au-devant desquels elle était allée vers les confins de la Picardie et de la Champagne. Ceux-ci, après avoir attendu quelque temps le connétable, que sa fuite au sud de la France avait empêché de se mettre à leur tête, s’étaient dirigés du côté de l’ouest pour se réunir à l’armée anglo-flamande[1]. Conduits par les comtes Guillaume et Félix de Furstenberg, ils avaient assiégé et pris la place de Coiffy à six lieues de Langres. Passant ensuite la Meuse au-dessus de Neufchâteau, ils avaient tourné vers la partie occidentale de la Champagne, et s’étaient emparés du château de Monteclaire, près de la Marne, entre Chaumont et Joinville[2] ; mais là ils rencontrèrent des obstacles qu’ils ne purent pas surmonter. Le comte de Guise, avec sa compagnie d’hommes d’armes et les compagnies de vendôme et d’Alençon, que François Ier avait envoyées en Bourgogne, s’était joint au comte d’Orval à Chaumont. Il côtoya les lansquenets, qui manquaient de chevaux, et les empêcha de fourrager. Il les harcela à tel point qu’il les réduisit à mourir de faim ou à battre en retraite. Les lansquenets se décidèrent à prendre ce dernier parti. Sans attendre que le connétable, qui levait un peu tard de la cavalerie en Franche-Comté, vînt les renforcer et les secourir. Ils retournèrent sur leurs pas. Ils repassèrent la Meuse à Neufchâteau, et entrèrent en Lorraine après avoir perdu beaucoup de monde au passage de la rivière, où le comte de Guise les devança, les surprit et les culbuta.

Privée de ce renfort, l’armée anglo-flamande n’osa pas s’avancer davantage. Bien que Henri VIII eût préparé l’envoi de six mille hommes de plus sur le continent, la guerre, que les confédérés étaient convenus de ne pas même suspendre pendant l’hiver[3], devint

  1. Dépêche de L. de Praet du 10 octobre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  2. Mémoires de Du Bellay, t. XVII, p. 431, 432.
  3. Dépêche de L, de Praet à l’empereur du 9 novembre (Archives imp. et roy. de Vienne). — Lettre de Wolsey à Sampson et à Jernigam, ambassadeurs d’Henri VIII auprès de Charles V, du 8 novembre (State Papers, vol. VI, p. 185 à 187).