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grosse puissance, sur le fondement de cette conjuration prétendant y avoir des intelligences qui se déclareront quand ils seront dans le pays. Il est donc besoin que vacquiez à cette affaire avec la plus grande diligence et que tiriez la vérité de ceux que vous avez entre les mains, par torture ou autrement, toutes choses cessantes. L’affaire en soi est privilégiée, et il n’est requis d’y garder les solemnitez que l’on fait en aultres cas. La vérité sceue à heure et à temps, on pourra obvier à plus gros inconvénient, ce qui seroit impossible après que les fauteurs de la conjuration se seroient déclarés en portant faveur, aide et secours à nos ennemis. Nous vous prions de rechef de bien peser cela et de nous oster de la peine où nous sommes[1]. »

Peu satisfait des lenteurs des commissaires et des aveux insuffisans qu’ils avaient obtenus des prisonniers, courroucé des dispositions à l’indulgence qu’ils laissaient apercevoir, il leur adressa dix jours après une lettre plus vive, en leur reprochant de ne lui avoir rien appris qu’il ne sût déjà, et de ne pas répondre à sa confiance par leur dévouement. «La conspiration, déloyauté, parjurement et trahison de Charles de Bourbon, leur dit-il, est plus que notoire, puisqu’il est en armes contre nous et nostre royaulme avec nos ennemis; mais ce qui est nécessaire à sçavoir et où gist le fondement de l’affaire pour la conservation de nous, de nos sujets, estat et royaulme, est d’entendre quels sont ceux qui tiennent la main à la dite conspiration, car il n’est pas vraisemblable que Charles de Bourbon eût entrepris une telle folie, s’il n’eût trouvé gens sur lesquels il comptât pour en conduire l’exécution... Afin que nous sachions à qui nous devons nous fier et de qui nous devons nous défier, il est besoin de connoître ceux qui tiennent le parti du dit Bourbon... Advisez de mettre prompte fin en cette affaire, qui est de l’importance et conséquence que chacun connoît. Il ne faut y procéder froidement, mais virilement et vertueusement, et n’épargner ceux qui ont été si méchans, déloyaux, parjures et traîtres que de savoir, sans la révéler, la menée qui se faisoit, et que nos ennemis exécutent pour ruiner entièrement nous, nos enfans, sujets et royaume[2]. » Il se refusait à renvoyer la connaissance et la décision du procès au parlement, comme le lui insinuaient les commissaires, dont il accusait la faiblesse et gourmandait la timidité. « Nous vous avons choisis, leur disait-il, pour votre savoir, votre prudhommie et la singulière foi qu’avons en vous. Montrez que vous êtes tels que jusques ici nous vous avons estimés, et ne nous donnez pas à

  1. Lettre de François Ier, écrite de Lyon le 20 octobre, dans le Mss. 484, f. 129.
  2. Lettre de François Ier, écrite le 1er novembre, aux commissaires délégués pour instruire le procès. — Ibid., f. 129 v° à 131 v°.