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bre[1], on ne sait pendant trois semaines ce qu’il fit et ce qu’il devint. Il est à croire seulement qu’il gagna, à travers les régions montagneuses du centre, la frontière orientale du Languedoc, qui était à Saulces, au-dessus de Narbonne[2], pour se réunir à l’empereur, dont les troupes auraient dû se trouver alors en Roussillon. La frontière cependant était gardée par le maréchal de Foix, et l’armée de Charles-Quint n’avait point paru. Le connétable rebroussa chemin, remonta vers Lyon, passa le Rhône à deux reprises, non sans difficulté et surtout sans péril, en allant du Vivarais dans le Viennois et le Dauphiné, et du Dauphiné dans la Franche-Comté. Après de dangereuses rencontres[3], ayant plusieurs fois traversé ou côtoyé des bandes de soldats qui se rendaient au camp de Lyon ou s’acheminaient vers l’Italie, après avoir failli tomber entre les mains de ceux qui le cherchaient, il arriva à Saint-Claude et s’y trouva enfin en sûreté. Le cardinal de Labaume, évêque souverain de Genève et zélé partisan de l’empereur, lui donna une forte escorte de cavalerie, et bientôt il fut joint par Lurcy, Lallière, Du Peloux, Espinat, Montbardon Tansaunes, Le Peschin, et la plupart de ceux qui l’avaient quitté à Herment. Il fit son entrée dans Besançon le 9 octobre, et après un mois perdu depuis son départ de Chantelle il comptait se mettre à la tête des dix mille lansquenets que les comtes Guillaume et Félix de Furstenberg avaient levés pour lui, et des quatre mille Vaudois qu’il avait demandés au capitaine Saint-Saphorin.

François Ier, auquel avait échappé Bourbon et qui avait ordonné la saisie de ses états, fit plusieurs tentatives encore pour enlever aux ennemis du royaume ce dangereux auxiliaire. C’était avec peine qu’il se trouvait détourné de son expédition d’Italie, et il restait plein d’inquiétudes sur la fidélité intérieure de la France. Il offrit au redoutable fugitif la restitution immédiate de ses biens, le remboursement sur le trésor royal de ce qui lui était dû, le rétablissement de ses pensions et l’assurance qu’elles seraient payées avec

  1. « Et m’advertissoit ma ditte dame (Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas) de l’arrivée du sr de Bourbon à Besançon environ le 3e du mois passé. » Lettre de Louis de Praet à Charles V, du 7 novembre 1523. Archives impériales et royales de Vienne.
  2. Louis de Praet ayant interrogé un gentilhomme de Savoie que le duc de Bourbon avait envoyé à Londres pour y réclamer l’exécution du traité, sur ce qu’il était devenu après avoir quitté ses états, ce gentilhomme lui répondit : « Qu’il avoit entendu que le dit sieur avoit esté jusques aux marches et frontières de Saulce, à intention de se tirer devers vostre majesté; mais voyant qu’il ne povoit passer sans grand péril et dangier de sa personne, s’estoit mis au retour, et passant à trois ou quatre lieues près de Lyon, où estoit lors le roy François, arriva à Saint-Claude en vostre comté de Bourgoingne, auquel lieu l’évesque de Genève l’assista de gens et de montures, et l’accompagna jusques au dit Besançon. » — Dépêche de Louis de Praet à l’empereur du 9 novembre. Ibid.
  3. D’après le récit de Du Bellay; — tome XVI de la collection Petitot, p. 415 à 418.