Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les présentes et prie le roy qu’il luy plaise pardonner à ceux auxquels il veut mal pour cette affaire. Charles[1]. » Le connétable ne comptait aucunement sur cette négociation, et en se séparant de l’évêque d’Autun, il lui dit : » Adieu, mon évêque, je m’en vais gagner Cariât, et de Cariât je me déroberai avec cinq ou six chevaux pour m’acheminer en Espagne. » l’évêque, arrivé dans le camp royal, soutint que le roi devait rendre ses terres au connétable, s’il ne voulait pas faire éclater en France la plus grande guerre qu’on y eût jamais vue. Le surlendemain, le bâtard de Savoie le retint prisonnier. Selon le désir exprimé par le connétable, le maréchal de Chabannes n’en avait pas moins arrêté ses troupes et chargé le baron de Curton d’aller lui dire que l’armée ne dépasserait point La Palisse, et convenir du lieu où ils pourraient conférer ensemble; mais Curton, en entrant dans Chantelle, n’y trouva plus le connétable.

Le mardi 8 septembre, vers une heure du matin, le connétable, monté sur sa mule et suivi de tous les siens, avait pris le chemin des montagnes[2]. Il emportait de vingt-cinq à trente mille écus d’or cousus dans douze ou quinze casaques, dont chacune était confiée à an homme de sa suite[3]. Il s’arrêta un moment pour entendre la messe à Montaigut en Combrailles, après avoir fait sept lieues de pays. S’étant ensuite remis en route, il passa par le château de Lafayette, où il prit son vin, et dont le seigneur eut un long entretien avec lui et l’accompagna pendant quelque temps. Il parcourut, non sans effort, dix-huit lieues dans cette première journée, et, abattu par le mal, il se fit déposer deux fois sous des arbres, presque évanoui[4]. Il alla coucher au château d’Herment, où l’avaient précédé deux de ses fourriers, qui avaient averti le châtelain Henri Arnauld et les consuls de la ville de préparer les logis pour le connétable et cent vingt chevaux de sa suite[5]. Arrivé à la nuit tombante et fort las, il se jeta sur un lit, demanda au châtelain Henri Arnauld la distance qui séparait Herment de Carlat, écrivit une lettre à la noblesse d’Auvergne réunie à Riom pour l’arrière-ban, et se retira après avoir soupe. Les gentilshommes qui lui avaient fait cortège, et qui étaient présens le soir à son repas, se trouvèrent à cheval, le lendemain, à deux heures après minuit, devant le château. Ils

  1. Lettres et instructions données à l’évêque d’Autun, envoyé vers le roi par le connétable. — Mss., f. 25 et 26.
  2. Déposition de Saint-Bonnet. — Ibid., f. 48 r°.
  3. Ibid., f. 50, et dépositions de Symone Bryon, f. 56 r% et de Desguières, f. 58 v°.
  4. « Le connétable se trouva fort las, tellement que par deux fois il descendit soubs quelques arbres fort esvanoy et portant très mauvais visage embéguiné d’un couvre-chef. » — Déposition de Desguières, f. 58.
  5. Déposition de Henri Arnauld, châtelain d’Herment. — Ibid., f. 93 v°.