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avait été nourrie, le connétable avait dit à Saint-Vallier : « Cousin, tu es aussi maltraité que moi; veux-tu jurer de ne rien dire de ce que je vais te confier[1]? » Saint-Vallier, l’ayant juré sur un reliquaire qui contenait du bois de la vraie croix, et que le connétable portait toujours à son cou, reçut confidence de la conjuration, à laquelle il participa.

Ce fut en sa présence que le connétable traita avec Beaurain dans la nuit du samedi 18 juillet 1523[2]. Amené auprès de lui vers onze heures du soir, l’ambassadeur de Charles-Quint remit au duc de Bourbon les lettres de créance de son maître. «Mon cousin, lui écrivait l’empereur, je vous envoie le sieur de Beaurain, mon second chambellan. Je vous prie le croire comme moi-même, et, ce faisant, vous me trouverez toujours vostre bon cousin et amy. » Beaurain communiqua ensuite au connétable les instructions qu’il avait reçues de l’empereur, les articles qu’il était chargé de proposer à son acceptation de la part de Charles-Quint comme de la part de Henri VIII, et, de concert avec lui, il dressa un traité de mariage et de confédémtion. Il fut stipulé que le duc de Bourbon épouserait très prochainement ou la reine de Portugal ou l’infante Catherine avec une dot de 200,000 écus, et qu’il s’unirait à l’empereur envers et contre tous, sans excepter personne. Dans la ligue offensive et défensive qu’il conclut avec Charles-Quint, il s’engagea à attaquer François Ier, mais il ne consentit point encore à reconnaître Henri VIII comme roi de France. Offrant d’être l’allié du roi d’Angleterre sans promettre de devenir son sujet, il s’en remit sur ce point à ce que déciderait l’empereur. La ligue devait être suivie d’une invasion par le dehors et d’un soulèvement à l’intérieur. Il fut convenu que l’empereur pénétrerait en France par le quartier de Narbonne avec dix-huit mille Espagnols, dix mille lansquenets allemands, deux mille hommes d’armes, quatre mille hommes de cavalerie légère; que le roi d’Angleterre descendrait en même temps sur les côtes occidentales du royaume avec quinze mille Anglais et cinq cents chevaux, auxquels se joindraient trois mille hommes de pied et trois mille hommes d’armes levés dans les Pays-Bas; que cette invasion simultanée s’exécuterait aussitôt que le roi François Ier aurait quitté Lyon, où il devait se rendre vers le milieu d’août, pour passer en Italie et y commander son armée; que, dix jours après l’agression de l’empereur et du roi d’Angleterre, le duc de Bourbon se déclarerait et se mettrait aux champs avec les troupes qu’il tiendrait prêtes et dix mille lansquenets qu’on enrôlerait pour lui en Allemagne, qui descendraient en Franche-Comté, d’où il les dirigerait sur le point

  1. Interrogatoire et aveux du 23 octobre 1523. — Ibid., f. 207.
  2. Déposition de Saint-Bonnet du 24 septembre. — Ibid., f. 43 v°.