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prince parut même mécontent de sa rupture avec François Ier qui l’exposait à de grands périls, l’obligeait à des armemens ruineux, et l’avait réduit à des sacrifices jusque-là sans compensation. Henri se plaignait de n’avoir pas été remboursé encore par l’empereur des 150,000 écus d’or qu’il lui avait prêtés, de n’avoir rien reçu de l’indemnité de 100,000 écus d’or que Charles-Quint s’était engagé à lui payer en dédommagement de la pension annuelle que lui donnait le roi de France, et à laquelle il avait renoncé pour embrasser une alliance dont il ne sentait que les charges, et qui ne lui apportait que des dangers. Il dit qu’il avait à repousser sur la frontière d’Ecosse l’agression du duc d’Albany, qu’il avait à préserver l’Angleterre de l’invasion dont la menaçait Richard de La Poole, dernier représentant du parti dynastique de la rose blanche ; qu’il devait envoyer contre l’Ecosse une armée de trente mille hommes sous son lieutenant-général le grand-trésorier, pourvoir à la subsistance de cette armée au moyen d’une flotte chargée de vivres, et qui, montée par quatre mille bons soldats, attaquerait Edimbourg du côté de la mer ; qu’il équipait une autre flotte pour garder le canal de la Manche et assurer les communications entre les Pays-Bas et l’Espagne ; qu’il tiendrait de plus vingt-cinq mille hommes de Douvres à Falmouth, sous le commandement de son beau-frère le duc de Suffolk, pour défendre la côte d’Angleterre ; qu’enfin il se proposait de lever une grande armée de réserve à la tête de laquelle il se placerait lui-même. Il annonçait que jusqu’à ce qu’il eût affermi la sûreté intérieure de son royaume par la soumission des Écossais et la défaite de la rose blanche, et qu’il eût amassé dans ses coffres assez d’argent pour suffire à la solde de ses troupes pendant une année, il ne s’engagerait dans rien de sérieux sur le continent[1]. Il semblait suspecter, sinon les intentions, du moins la puissance de l’empereur, qu’il savait mal obéi en Espagne, et qui, dénué d’argent, était à ses yeux hors d’état de faire face aux engagemens qu’il avait contractés et d’entretenir les armées qu’il avait promis de mettre sur pied. Il reprochait à son inexact confédéré de n’avoir rempli aucune de ses obligations, tandis que lui avait été fidèle à toutes les siennes, et il voulait renvoyer la grande entreprise projetée contre la France à l’année 1525.

C’est dans ces dispositions qu’il reçut et qu’il fit partir Beaurain ; mais bientôt, avec la mobilité soudaine qu’il portait dans ses desseins comme dans ses alliances, il revint à d’autres sentimens. Il

  1. Dépêche, du 20 janvier, de l’évêque de Badajoz et de Louis de Praet à Charles-Quint. Archives impériales et royales de Vienne. — Wolsey le dit en grande partie dans sa dépêche de janvier 1523 à Th. Boleyn et à Rich. Sampson.— State Papers, t. VI, p. 113 à 120.