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transmissible aux femmes lui était dévolu par la donation et le testament de la duchesse Suzanne, et il tenait, du droit féodal et de la constitution monarchique des apanages, ce qui était réservé aux mâles. Louise de Savoie réclama néanmoins les possessions féminines, et François Ier voulut faire retourner à la couronne les possessions masculines comprises dans cet immense héritage, ouvert, selon eux, par la mort de Suzanne de Bourbon.

Cette revendication, si peu opportune politiquement, était-elle au moins fondée en justice ? Le droit d’après lequel se transmettaient les diverses provinces appartenant à la maison de Bourbon avait varié. Le comté de Clermont en Beauvoisis, donné en apanage à Robert, le sixième fils de saint Louis et le fondateur de cette grande maison, était d’abord seul soumis à la loi salique de la masculinité et devait revenir à la couronne, si les héritiers mâles manquaient. Le duché de Bourbonnais, les comtés de Forez et de la Marche, la principauté de Dombes, les seigneuries de Beaujolais et de Combrailles, acquis par mariage ou par succession, ne reconnaissaient dans leur transmission que la règle féodale ordinaire. Les mâles y avaient la préférence sur les femmes[1], mais à défaut de mâles les femmes en héritaient. Après 1400, la constitution qui régissait la plupart de ces biens changea sous le duc Jean Ier, fils de Louis II. Ce prince épousa Marie de Berri, fille unique du duc de Berri, frère du roi Charles V et oncle du roi Charles VI. Le duc de Berri ne tenait pas seulement en apanage la province dont il portait le nom, il possédait encore, et au même titre, le duché d’Auvergne et le comté de Montpensier. En unissant sa fille Marie à Jean Ier, il obtint du roi Charles VI que le duché d’Auvergne et le comté de Montpensier lui seraient accordés en contrat de mariage et seraient portés par elle dans la maison de Bourbon, à la condition toutefois que les provinces possédées par la maison de Bourbon passeraient de la loi féminine de succession sous la loi masculine des apanages. La dévolution à la couronne du duché d’Auvergne et du comté de Montpensier était retardée ; mais pour prix de ce retard la réversibilité du duché de Bourbonnais, du comté du Forez[2], etc., lui était plus sûrement et plus promptement acquise, puisque désormais les mâles seuls pouvaient les recevoir en héritage. Cet arrangement, autorisé par Charles VI, confirmé par Charles VII, était avantageux à la royauté, dont il ajournait, mais dont il étendait les droits[3]. Les biens de la maison de Bourbon étaient transformés

  1. Histoire de Bourbon, par Marillac, p. 231 ro.
  2. Marillac, p. 231 V°. — Étienne Pasquier, Recherches de la France, liv. VI, c. x, f. 556-557. — Voir aussi Histoire généalogique de la maison de France, par Scevole et Louis de Sainte-Marthe, t. II, p. 38, 39.
  3. « Le roy Charles septième, par lètres expresses et patantes, narration faite de la dite donation du duché d’Auvergne, et qu’elle étoit au profit et avantage du roy et du royaume, veu le retour du duché de Bourbonnois à la couronne en défaut de mâles, loua, ratifia et aprouva la dite donation, et furent les dites lètres leuës, publiées et anregistrées au parlement et en la chambre des comptes. » Plaidoyer de Montholon pour le connétable de Bourbon du 12 février 1522, à la suite de l’Histoire de Bourbon, p. 284 ro.