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de la Guienne, de la Lombardie, qu’avait formés François Ier pour faire face à l’ennemi sur ses diverses frontières. Ces grands commandemens avaient été donnés au timide duc d’Alençon, au médiocre duc de Vendôme, à l’arrogant Bonnivet, à l’inconsidéré Lautrec[1]. L’affront d’une aussi opiniâtre défaveur fut vivement ressenti par le connétable de Bourbon, qui reçut bientôt une injure plus directe et moins supportable. Mandé à l’armée de Picardie lors de la première campagne, il y était venu avec six mille hommes de pied et trois cents hommes d’armes levés dans ses états. En cette rencontre, où les forces qu’il amenait devaient être d’un si grand service et méritaient un si haut prix, il subit une impardonnable humiliation. L’office de connétable donnait droit au commandement de l’avant-garde. Ce commandement, dont il s’était acquitté avec tant de gloire en 1515, et qu’il aurait rempli avec non moins de succès en 1521, lui fut alors ôté. François Ier en chargea le duc d’Alençon, qui le servit mollement vers Valenciennes, et qui plus tard l’abandonna lâchement sur le champ de bataille de Pavie, Placé sous les yeux et comme sous la surveillance du roi, le connétable fut profondément blessé de cette offense, dont il ne se plaignit point, mais qu’il n’oublia jamais.

Il semble que François Ier, en butte à tant d’ennemis extérieurs, n’aurait pas dû leur donner un redoutable auxiliaire dans son propre royaume. Ayant contre lui l’empereur, le roi d’Angleterre, le pape, la plupart des états d’Italie, étant expulsé de cette péninsule et voulant y rentrer, disposé à continuer la guerre et préparant tout pour recouvrer Milan, la politique comme l’intérêt lui conseillaient de ménager le connétable de Bourbon et de se servir de lui. Il fit tout le contraire. A la continuité de la disgrâce s’ajouta alors pour le connétable la menace de la spoliation, et après l’avoir si fortement offensé, François Ier le désespéra. De concert avec Louise de Savoie, sa mère, il revendiqua les biens de la maison de Bourbon.

Le connétable avait perdu sa femme au printemps de 1521. Le fils qu’elle avait mis au monde en 1517, et dont le roi avait été le parrain, était mort. Depuis, elle en avait eu deux à la fois, qui, nés avant terme, n’avaient pas vécu. Le connétable était sans enfans : la fille unique et l’héritière directe du duc Pierre et d’Anne de France avait confirmé, en 1519, par son testament la donation qu’elle lui avait faite de ses biens et de ses droits en 1505; les nombreuses possessions de la maison de Bourbon lui revenaient donc, ou de son chef, ou du chef de sa femme. Ce qui pouvait être considéré comme

  1. Histoire de Bourbon, suite de Marillac, par le sieur de Laval, p. 279 V°, Mémoires de Du Bellay, collection Petitot, t. XVII, p. 303-304.