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de leur grand diamètre, qui a en moyenne 2 kilomètres de long; ailleurs les plateaux sont bornés par des gorges étroites. Dans la saison des pluies, l’eau, en s’écoulant par torrens, forme subitement des ravins. Souvent même les chemins se trouvent coupés par des précipices sur lesquels il faut jeter des ponts de bois. L’absence de fossés le long des routes et le peu de résistance du terrain limoneux, qui n’est consolidé par aucune pierre, favorisent singulièrement ces accidens.

La surface des plateaux qui dominent les terrains de la Russie méridionale offre un horizon qui s’étend à perte de vue et n’est interrompu par aucune montagne. Cette circonstance, jointe à la rareté des villages et des habitations, contribue à priver le voyageur des effets pittoresques qu’on admire dans les pays accidentés. Aussi faut-il chercher ailleurs un intérêt que ne présentent point les perspectives de la contrée. Ces régions, d’aspect si uniforme, ont été le théâtre de graves événemens dont le nom qu’elles portaient encore il y a moins d’un siècle, — l’Ukraine (marche ou frontière), — évoque le souvenir. Cette belle province de l’Ukraine, qui couvrait une surface beaucoup plus grande que la France, était, il y a trois cents ans, absolument inhabitée; les pasteurs nomades de l’Asie venaient y dresser leurs tentes pendant la belle saison, et se retiraient avec leurs troupeaux à l’approche de l’hiver. Vers le milieu du XVIe siècle, les Tartares, chassés des gouvernemens de Kasan et d’Astrakan, furent refoulés sur le rivage de la mer d’Azof et dans la presqu’île de Crimée. Des populations libres descendirent alors de la Grande-Russie et s’établirent dans la contrée située entre le Dnieper et le Don, tandis que des peuples de la Petite-Russie vinrent occuper les terres de la rive droite du Dnieper. Ces nouveaux habitans prirent le nom de Cosaques ukrainiens, et ils se donnèrent une constitution démocratique dont on ne retrouve pas d’exemple chez les autres peuples slaves. Ils élisaient un chef nommé hetman, qui exerçait le pouvoir exécutif; ils menaient une vie constamment guerrière. L’Ukraine était un refuge ouvert à tous les hommes qui, mécontens de leur position, préféraient la vie du camp au travail de la charrue. Les peuples chrétiens regardaient les Cosaques comme une avant-garde contre les agressions fréquentes des Tartares, qui de la Crimée menaçaient de venir reprendre les contrées qu’ils avaient occupées pendant près de trois siècles; mais bientôt de protecteurs les Cosaques devinrent les persécuteurs des peuples qui les entouraient, Moscovites, Polonais et Tartares, et ils coururent sus, la lance à la main, à tous les voyageurs, sans autre prétexte que l’amour du pillage.

Vers le milieu du XVIIe siècle, cette situation était modifiée : la