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tandis que la dégénérescence implique toujours une tendance à la maladie ou à la destruction.

L’homme est incessamment exposé à l’action contraire de causes extérieures ou de causes internes qui en sont le contre-coup ; mais sa force de conservation lui permet de réagir contre elles. Toutefois, si l’équilibre vient à être rompu, si la force vitale a le dessous, les causes de désorganisation et de mort minent ses organes et finissent par dévaster son économie. Ces causes sont-elles accidentelles ou passagères, il ne se produit qu’une désorganisation partielle et momentanée, et si le mal n’est pas trop violent et que la vitalité soit assez énergique pour soutenir la lutte, la perturbation trouve son terme, et l’individu recouvre la santé. Lorsque les causes, au lieu d’être fortuites ou inopinées, agissent d’une façon lente et continue, il se produit des altérations graduelles qui permettent encore aux fonctions de s’exercer, mais en dérangent incessamment la régularité, introduisent dans l’économie un trouble habituel qui a pour conséquence une véritable dégénérescence. Cette dégénérescence ne s’offre bien souvent qu’avec le caractère d’un mal chronique et invétéré, car on l’envisage d’ordinaire indépendamment des causes qui l’ont déterminée ; mais si on la rapproche des circonstances au milieu desquelles elle a pris naissance, on s’assure bientôt que loin d’être un accident, elle tient à des causes générales d’où dépend à certains égards l’existence de tous les êtres organisés.

Comme plusieurs de ces déviations maladives du type primordial ne portent en apparence que sur certaines parties du système osseux et musculaire, le cerveau et les nerfs, on ne sut pas de prime abord apprécier combien l’organisme s’était écarté du type normal. C’est la fréquence, la comparaison attentive de ces anomalies morbides ou semi-morbides, qui nous révèle la présence de causes perturbatrices profondes dont l’action peut se continuer ou s’étendre.

L’économie tout entière subit presque toujours l’influence d’un trouble persistant dans les fonctions principales ou d’un défaut prononcé dans la conformation des parties essentielles de notre corps. Si le cerveau et le système nerveux sont attaqués, le trouble finit par se transmettre à d’autres appareils de l’économie, et la dégénérescence se déclare. Est-ce au contraire une des fonctions animales que dérange ou altère la maladie, l’intelligence et la sensibilité en subissent à la longue l’influence déprimante. Le fait s’observe tous les jours dans l’aliénation mentale. D’un côté, le maniaque perd graduellement la locomotion ou la faculté de diriger librement ses mouvemens ; d’autre part, la folie se manifeste à la suite d’une foule de désordres dans l’économie, de la dyspepsie ou difficulté de la digestion, des troubles de la menstruation, des embarras de la grossesse et de l’allaitement, enfin comme conséquence de certaines