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des droits protecteurs, étaient votées quatre ou cinq ans après. Ainsi, même avec nos façons expéditives, nous ne faisons en 1860 que ce que l’Angleterre avait déjà fait en 1825. Sans doute l’affranchissement commercial n’a été à peu près complet chez nos voisins qu’en 1848, à l’époque où ils ont renoncé à protéger leur marine marchande. De 1820 à 1848, du point de départ au but, les chambres anglaises ont donc perdu leur temps à multiplier les enquêtes sur l’état des diverses industries et des diverses branches du commerce ; elles ont entassé ces compilations fastidieuses dans des centaines de blue books ; des milliers de discours, qui remplissent depuis cette époque la moitié au moins de la collection de Hansard, ont été prononcés dans le parlement ; enfin, nous le reconnaissons, pour porter le dernier coup à la protection, il a été nécessaire qu’une association gigantesque, conduite par MM. Cobden et Bright, ait, pendant huit années, agité l’Angleterre de ses meetings monstres, et ait fait retentir tous les coins du royaume-uni des accens sensés, spirituels et véhémens de son éloquence populaire. Tout cela est exact, et voilà certes une grande dépense d’efforts pour arriver à un tel résultat ! L’Angleterre n’aurait-elle pourtant rien gagné à cette longue série d’enquêtes, de controverses, de contradictions, de harangues ? Elle y a gagné, — est-ce à nous de le rappeler à des journaux anglais ? — outre le mérite d’arriver d’elle-même et plus vite qu’aucun autre peuple à la vérité, de faire à fond l’éducation économique de toutes les classes de sa population, et d’incarner dans l’esprit de ses masses les vrais principes de l’économie politique, — résultat immense et bienfaisant, puisque, lorsqu’on demandait aux hommes d’état anglais en 1868 pourquoi les classes populaires demeuraient fermées aux absurdités socialistes qui infestaient le continent, ils pouvaient répondre : C’est que nos ouvriers savent l’économie politique ! — Où l’avaient-ils apprise, si ce n’est dans cette incessante instruction et dans ces vastes débats ouverts sur les intérêts industriels et commerciaux du pays ?

Quant à nous Français, jetés à l’eau, nous l’espérons bien, nous apprendrons à nager ; nous excellons dans les improvisations soudaines. Nous avons au surplus, nous le répétons, un bon guide dans le programme impérial. Plus de prohibitions, plus de droits sur les matières premières, réductions considérables de droits sur le sucre et le café, ces deux grands élémens de l’alimentation populaire, perfectionnement des moyens de communication, efforts pour réduire les frais de transport, qui sont un élément si important des prix de revient et des prix de vente, système de protection ramené à des conditions rationnelles et dans la voie des adoucissemens progressifs ! le programme est parfait. Pour réussir dans la pratique, il exigera un grand développement de liberté positive, et en réussissant il formera les esprits à la liberté, et nous préparera même à l’usage des libertés politiques. Il faudra, disons-nous, que nos pouvoirs nous fassent largesse de libertés positives, pour que nous entrions avec tous nos avantages naturels dans la carrière de la concurrence étrangère : il serait impolitique et injuste de ne pas nous affranchir de ces restrictions administratives que ne connaissent point nos concurrens ; il sera nécessaire de remanier cette partie de notre législation qui fait obstacle à l’association des capitaux, puisque nous avons à lutter contre des compétiteurs qui ont sur nous l’avantage d’une plus grande accumulation de capital engagé dans l’industrie, et qu’en outre