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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1860.


Nos lecteurs nous accorderont leur indulgence, si nous leur faisons part des anxiétés et de l’émotion que nous éprouvons en abordant les questions politiques du moment. Aux complications italiennes se sont ajoutées les affaires de Rome ; le pape a répondu par une encyclique à la lettre de l’empereur ; M. de Cavour revenant au pouvoir, l’annexion de l’Italie centrale au Piémont a paru certaine, et cette perspective en a soulevé une autre, l’annexion de la Savoie et du comté de Nice à la France ; en même temps le programme d’une nouvelle politique commerciale était tracé dans une lettre de l’empereur au ministre d’état, et le premier acte de ce programme s’accomplissait par la conclusion d’un traité de commerce entre la France et l’Angleterre ; enfin le parlement anglais, cette assemblée mobile et puissante, qui a, depuis dix ans, acquis une importance véritablement européenne, se réunissait. L’imprévu, la surprise ou la gravité naturelle des questions et des circonstances serait déjà un titre à l’indulgence que nous réclamons ; nous pensons en avoir un autre. La forme sous laquelle ces questions se présentent et les procédés par lesquels elles sont conduites passionnent les uns et jettent les autres dans d’étranges confusions de sentimens et d’idées. Toutes les situations semblent devenir contradictoires et fausses. Des solutions libérales sont poursuivies par d’autres moyens que ceux que la liberté préfère ; des causes illibérales sentent le besoin des garanties de la liberté et les invoquent. De là deux périls auxquels bien peu d’esprits peuvent échapper dans une société où l’éducation politique est si imparfaite, chez un peuple si impressionnable et si léger. Les uns oublient le fond des choses, et, dans la douleur qu’ils éprouvent à ne pas voir respecter des formes tutélaires, semblent méconnaître la vertu civile et sociale des principes de la révolution française ; d’autres, éblouis du succès apparent de causes qui leur sont chères, font bon marché des moyens. Succomber à l’un ou à l’autre de ces périls, c’est manquer de consistance politique ou de générosité, avoir l’air de céder à des fantaisies ou blesser d’honorables