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se fait maintenant entre des régions très éloignées. C’est précisément cette sorte de renversement des conditions géographiques qui constitue la grande objection soulevée par les tarifs différentiels, après avoir été considérée comme un précieux moyen d’action. On conçoit que le pouvoir politique se préoccupe particulièrement de ces questions de situation géographique; mais il est évident que, pour l’économiste, l’assemblage de ces deux mots n’est que l’expression d’un fait éminemment variable, qui dépend d’une multitude de conditions complexes, au premier rang desquelles doit se placer l’élément des transports, complètement transformé aujourd’hui.

Si l’on tient compte des circonstances multiples qui les font surgir, le nombre des espèces de tarifs différentiels peut être en quelque sorte illimité. Sans prétendre en donner une idée complète, il suffit de faire observer qu’ils ne sont pas, à l’égard des canaux, une machine de guerre moins dangereuse que les tarifs d’abonnement. On peut néanmoins ramener ces circonstances à quelques causes principales. Ainsi les compagnies de chemins de fer essaient d’appeler sur leur réseau les marchandises dont l’expédition, sous le régime d’un tarif proportionnel, trouverait dans la distance à parcourir un obstacle insurmontable, puis les marchandises en provenance ou en destination d’une localité particulière, et celles qui circulent dans un sens déterminé. Cette dernière sorte de tarifs différentiels est précisément une combinaison usitée pour enlever le trafic naturel d’une voie d’eau ou de fer concurrente; elle peut être mise en jeu sur un seul réseau ou à la fois sur deux réseaux dont les compagnies concessionnaires se sont entendues après s’être assuré l’approbation administrative. Dans cette seconde hypothèse, le tarif commun (c’est le nom qu’il prend alors) sert, soit à établir une concurrence entre deux voies ferrées, soit à détourner, au détriment de l’étranger et sans qu’aucun intérêt régnicole soit froissé, le transit auquel la position géographique de la France la convie si visiblement. Si l’une des deux compagnies ayant un tarif commun est étrangère, le tarif devient international.


« La vérité n’est ni blanche ni noire, elle est grise; » si jamais ce mot si juste de l’illustre et regrettable historien anglais Macaulay a pu recevoir une application rationnelle, c’est à coup sûr en matière de chemins de fer, sous quelque face que soit considérée la question. Pour quiconque a une connaissance, même superficielle, des associations industrielles en général et des compagnies de chemins de fer en particulier, il n’est pas douteux qu’il n’y ait eu, dans les relations de celles-ci avec le public expéditeur, des abus commis et des tentatives d’abus faites. De leur aveu même, elles