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ciaux, sont tous les trois proportionnels; ils ne sont point différentiels, parce que le prix du kilomètre de parcours total du réseau est identique au prix du kilomètre du parcours partiel, parce qu’un point situé à 500 kilomètres de Paris sera régi par le même tarif kilométrique qu’un autre point du même réseau situé à 60 kilomètres.

Si nous supposons au contraire qu’il n’en soit pas ainsi, que la tonne de céréales parcourant de 5 à 600 kilomètres ne soit taxée par kilomètre qu’à fr. 08 c, tandis que celle qui parcourt de 4 à 500 kilomètres doive payer fr. 09 c, nous aurons l’exemple d’un tarif différentiel. Cette inégalité kilométrique, poussée à l’extrême, pourrait donner lieu, on le remarquera, à une anomalie choquante, parce qu’il arriverait que les taxes seraient en raison inverse des longueurs parcourues : dans tous les cas de ce genre, l’administration exige que ces taxes soient égales, de telle sorte qu’il n’y a prétexte à aucune plainte. Pourquoi en effet le négociant de Nancy trouverait-il mauvais que le négociant de Strasbourg paie au même prix que lui le transport d’une tonne de marchandise à Paris? Pourquoi le prix total de transport ne serait-il pas le même entre Meaux et Nancy qu’entre Paris et Strasbourg?

On entrevoit maintenant en quoi consistent les tarifs différentiels. La partie non commerçante du public en usait depuis longtemps, mais comme M. Jourdain faisait de la prose, soit par l’emploi des billets d’aller et retour à prix réduit, soit, pour prendre un exemple ailleurs que sur les chemins de fer, dans ses relations avec l’administration des postes[1]. Quant à la partie commerçante, elle les connaissait pour les avoir vus toujours et partout appliqués par les entreprises de transport de toute nature; mais cet argument n’a que peu de valeur, eu égard à la situation spéciale faite par la législation à l’industrie des voies ferrées. Il importe donc de montrer que le régime des tarifs différentiels est légal, et rien n’est plus aisé. Dès 1834, M. Legrand, directeur-général des ponts et chaussées et des mines, disait à la chambre des députés, avec l’impartiale autorité que lui donnait sa haute position administrative : « Les prix différentiels sont la base de toutes les opérations de transport ; les interdire, c’est paralyser l’industrie, et, je le déclare, sans eux vous ne trouverez pas de compagnie qui se charge d’exploiter vos chemins de fer. » Cette catégorie de tarifs n’a cependant paru pour la

  1. On remarquera en effet, pour ne parler que d’une récente mesure de cette administration, la loi sur le transport par la poste des valeurs déclarées, que l’expéditeur, indépendamment d’un droit fixe et du port de la lettre, paie, par chaque centaine de francs, un droit qui ne varie pas, quelle que soit la distance. Ne pas tenir compte de cet élément et faire ainsi ressortir, suivant qu’il s’agit d’un point ou d’un autre, des prix kilométriques inégaux, c’est appliquer un tarif différentiel.