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sentée récemment comme une division de la France en six grands commandemens industriels et commerciaux[1]: « C’est la somme des avantages qu’il faut toujours rapprocher de celle des inconvéniens, avec assez d’exactitude pour ne jamais laisser dominer les seconds sur les premiers, et à notre sens ce cas se reproduira chaque fois que d’un abaissement de tarifs devra résulter une atteinte à la concurrence, toujours favorable aux intérêts généraux, et surtout chaque fois que cet abaissement pourra compromettre les légitimes intérêts de notre navigation intérieure. L’amélioration de nos voies fluviales et l’établissement de nos canaux, leur entretien même ont exigé et exigent encore annuellement du pays des sacrifices assez considérables pour que la conservation de ces utiles voies de transport ne soit jamais compromise. Nous ne doutons pas que le gouvernement ne sente toute l’importance de cette précieuse conservation... » Dès lors le programme à suivre par l’administration est tout tracé : puisque les compagnies de chemins de fer n’ont qu’un droit de proposition relativement aux modifications de tarifs, il ne faudrait homologuer que celles de ces modifications qui ne paraîtraient pas de nature à porter préjudice au trafic des voies navigables. On ne peut se dissimuler que le maintien de cet équilibre ne soit une tâche excessivement délicate. Relativement aux canaux, dont le remaniement des tarifs était déjà une grosse question sous le règne de Louis-Philippe, il a été beaucoup fait durant ces derniers temps dans l’intérêt de la batellerie. En échange d’une réduction dans les prix de transport, que les concessionnaires de canaux ont le droit de fixer librement, l’état a diminué les droits de navigation, dans une proportion notable, pour plusieurs rivières ou canaux importans. Le programme de politique commerciale auquel nous venons de faire allusion annonce même que le gouvernement français ne s’arrêtera pas dans cette voie libérale. En continuant d’apporter aux cours d’eau les améliorations qui sont commencées depuis longtemps déjà et de combler les lacunes qu’ils présentent, le gouvernement prendra une mesure très propre à empêcher le commerce de déserter les voies navigables au profit des chemins de fer. Ce serait même un incident curieux de la lutte entre les deux modes de communication que l’achèvement du réseau de notre navigation intérieure.

  1. On lit, dans l’exposé des motifs du projet de loi qui a financièrement organisé notre réseau de voies ferrées, que les compagnies du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Midi, d’Orléans et de Lyon avaient, au 1er février 1859, 8,567 kilomètres exploités sur 8,701, — 7,551 kilomètres à construire sur 7,651, — finalement 16,118 kilomètres concédés sur 16,352, — Les petites compagnies de Bessèges à Alais, de Graissessac à Béziers, de Carmeaux à Albi, d’Anzin à Somain et de Bordeaux au Verdon, n’avaient donc ensemble que la concession de 234 kilomètres de chemins de fer, dont 134 seulement sont en exploitation. On passe sous silence d’autres lignes uniquement affectées au transport des marchandises, et d’ailleurs fort peu importantes.