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III.

Il est une condition qui a passé des traités particuliers dans les tarifs spéciaux, sans pour cela faire cesser les réclamations dont elle a de tout temps été l’objet, car elle était toujours inscrite dans les traités particuliers. Je veux parler de l’abonnement, c’est-à-dire de l’obligation imposée aux expéditeurs de ne confier, pour un temps déterminé (un an au moins suivant l’usage), et exclusivement à toute autre voie concurrente, le transport de toutes leurs marchandises qu’à un chemin de fer, dont la compagnie concessionnaire concède alors en retour une réduction de prix. Le programme de politique commerciale publié en janvier 1860 par le gouvernement français fera disparaître, dans un court délai, cette condition, qui, on le verra, était à la fois inutile et imprudente.

Cette condition, dont la légitimité a été violemment attaquée par un jurisconsulte éminent, M. de Vatimesnil, était-elle légale? — Il n’est pas possible d’hésiter à répondre par l’affirmative. Si elle n’a pris place dans les dispositions du cahier des charges qu’en 1857, elle y est évidemment comprise parmi les conditions dont il est parlé dans ce membre de phrase avec ou sans conditions de l’article textuel reproduit plus haut. Antérieurement aucune disposition ne l’autorisait, mais aussi aucune disposition ne la proscrivait. Elle ne froisse en rien le principe salutaire de l’égalité à établir entre les expéditeurs, puisqu’elle est évidemment accessible à tous, d’autant plus que, contrairement à une assertion erronée de M. de Vatimesnil, la condition de l’abonnement n’a point pour annexe celle du minimum annuel de tonnage. Le tarif n’oblige l’expéditeur qu’à remettre la totalité de ses marchandises, quelle qu’elle soit, en exigeant parfois cependant qu’elles remplissent un wagon complet, simple clause restrictive dont la raison d’être a été indiquée. La privation pour l’abonné de tout autre moyen de transport que le chemin de fer est, dit M. de Vatimesnil, une violation de la liberté qui appartient à tout expéditeur : cette opinion n’est pas fondée. On pressent que ce moyen de transport rival ne peut être que la navigation. L’expéditeur perd certainement en droit la liberté de se servir du canal, lorsque les prix y sont inférieurs à ceux du chemin de fer concurrent, et de recourir au chemin de fer pendant ces chômages trop fréquens qui constituent les inconvéniens fondamentaux du canal; mais il est libre de calculer s’il lui est plus avantageux de conserver la faculté de se servir indistinctement des deux voies de communication rivales ou d’aliéner son indépendance, en acceptant la condition qui lui est proposée par l’une d’elles comme