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qui joue un si grand rôle dans la question des tarifs, se bornait à accuser réception à la compagnie du traité particulier que celle-ci lui communiquait; elle rappelait d’ailleurs expressément son droit de généralisation et déclarait que, tout en ne jugeant point à propos d’en user immédiatement, elle se réservait du moins de l’exercer à toute époque où l’intérêt général rendrait cette revendication nécessaire.

Si cet accusé de réception eût constitué, à proprement parler, un acte administratif, il n’eût pu être soumis à l’appréciation de l’autorité judiciaire, assez indécise par suite du principe fondamental de la séparation des pouvoirs; mais telle en était la nature qu’un procès pouvait s’engager devant les tribunaux aussitôt qu’une contestation s’élevait au sujet d’un des traités particuliers. Tout légal et libéral qu’il pouvait être, — puisque l’administration se trouvait ainsi provoquer, au grand jour et en toute liberté de discussion, une enquête loyale sur les conventions passées entre les compagnies et les commerçans, — ce système n’était pas sans inconvéniens pour l’administration elle-même. Ainsi il pouvait se faire qu’un traité particulier, jugé par l’administration sans inconvéniens pour l’intérêt public, fût dans un procès déclaré illégal et attentatoire aux droits des tiers. C’est précisément ce qui est arrivé pour certaines conditions et pour les traités particuliers mêmes, dont la légalité a été plus d’une fois, fort mal à propos d’ailleurs, mise en doute par l’autorité judiciaire, armée de son indépendance omnipotente.

Parmi les conditions stipulées dans les traités particuliers comme devant être expressément acceptées par les expéditeurs, on remarquait des dispositions qu’il importe d’autant plus d’analyser qu’elles se retrouvent en partie dans les tarifs spéciaux. La compagnie se faisait décharger de toute responsabilité en cas d’avarie survenue aux marchandises qui lui étaient confiées pendant qu’elles se trouvaient dans ses gares ou sur ses convois. C’était à l’expéditeur de calculer si les chances d’avarie d’un transport par chemin de fer étaient en rapport avec la réduction de tarif dont il bénéficiait. — La compagnie déclinait également d’avance toute responsabilité au sujet de tout retard apporté par elle dans la remise des marchandises au destinataire. On sait du reste que si, dans le transport des voyageurs, une accélération considérable de vitesse a été le résultat de la substitution des voies ferrées aux routes de terre, la conquête faite par le grand perfectionnement des voies de communication n’est guère représentée, dans le transport des marchandises, que par la différence existant anciennement entre le roulage ordinaire et le roulage accéléré. — L’expéditeur était souvent assujetti à un cautionnement; souvent aussi il devait faire lui-même le chargement et le déchargement de ses marchandises, clause aussi avan-