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PINDARE
ET L’ART GREC

Essais sur le génie de Pindare et sur la Poésie lyrique, par M. Villemain.

Les plus belles œuvres naissent le plus souvent presqu’à l’insu de leurs auteurs. Au lieu d’un plan conçu d’avance, c’est un hasard, une rencontre qui fait éclore l’inspiration. Il y a cinq ou six ans, l’Académie française avait mis au concours une traduction de Pindare, soit en vers, soit en prose, elle en laissait le choix, demandant seulement, n’importe par quel moyen, un reflet quelque peu fidèle de ce sévère et audacieux génie. Dans un temps qui se pique à bon droit d’avoir rallumé le flambeau de l’inspiration lyrique, l’idée était heureuse de proposer un prix extraordinaire à qui nous donnerait Pindare dans notre langue. Qui le connaît en effet ? Ceux qui peuvent le lire sont en si petit nombre, ceux qui l’ont cru traduire l’ont si bien travesti ! Les concurrens ne firent pas défaut, et la plupart, on doit le dire, avaient suffisamment compris le texte grec ; mais le rendre, le faire sentir, en exprimer l’esprit, en faire jaillir la flamme, aucun d’eux n’avait même essayé. La commission chargée de dépouiller les manuscrits, de préparer et d’instruire le concours, n’en poursuivait pas moins sa tâche avec courage. Ou feuilletait, on cherchait, on lisait, on recourait au texte, et ce membre de l’Académie qui, par bonheur, fait partie de toutes les commissions, moins encore en vertu de sa charge que par une sorte de