Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/708

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond du phénomène? Il est évident que toutes les fois qu’un fait psychologique se produit en nous, il s’accomplit un fait physiologique correspondant. Le délire du fébricitant, comme l’hallucination du maniaque, tient à un certain trouble dans l’action cérébrale et nerveuse, qui, pour n’être pas encore défini et connu, n’en a pas moins son caractère particulier. Que l’imagination soit frappée, cela peut être, mais que se passe-t-il dans notre économie lorsqu’un pareil phénomène psychologique a lieu ? Les récentes observations faites sur l’hypnotisme vont nous fournir la réponse.

Il y a quinze ans, un médecin de Manchester, le docteur James Braid, qui s’occupait de magnétisme, découvrit un procédé nouveau pour jeter ses patiens dans le sommeil somnambulique. Il prenait un objet brillant, un porte-lancette par exemple, et le tenait devant la personne qu’il se proposait d’endormir, à une distance de 30 centimètres environ des yeux, dans une position telle que celle-ci pût avoir le regard constamment fixé sur le porte-lancette présenté un peu au-dessus du front; il invitait le patient à ne plus penser qu’à l’objet tenu de façon à offusquer sa vue. Voici ce qui se produisait alors. Les pupilles de la personne soumise à l’expérience, après s’être un instant contractées, se dilataient fortement, les yeux affectaient ensuite une sorte de mouvement de fluctuation; puis le sommeil cataleptique se déclarait, les sens et certaines facultés mentales entraient dans une exaltation singulière, les muscles affectaient une extrême mobilité; enfin à cette période de surexcitation succédait une période de torpeur et d’immobilité avec insensibilité.

Dernièrement deux médecins, MM. Azam et Broca, ont expérimenté à l’hôpital Necker, sur de jeunes femmes qu’ils voulaient opérer, le procédé décrit par Braid. Le succès a été complet : les malades sont tombées dans une anesthésie manifeste; leurs membres avaient pris la rigidité cataleptique, et restaient insensibles aux pincemens et aux piqûres, en sorte que l’opération a pu être pratiquée sans douleur. Ce n’est qu’après avoir enlevé le corps brillant de devant les yeux et à l’aide d’une friction légère qui y fut faite, d’une insufflation d’air froid, à plus de vingt minutes après le début de l’accès cataleptique, que l’une des malades fut réveillée. Ce procédé de réveil est, comme on voit, tout semblable à celui dont usent les magnétiseurs à l’égard de leurs somnambules.

N’y a-t-il là encore qu’une influence d’imagination? Cela paraît difficile. Certainement un effet pathologique s’est produit; mais voici qui va nous en convaincre davantage. M. Michéa a expérimenté sur des poules et des coqs auxquels il maintenait la tête, et sur le bec desquels il avait, à partir de la racine, tracé une ligne droite avec du blanc d’Espagne. L’oiseau était placé sur un banc de