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avait toujours refusé de prendre un siège au parlement; durant son ministère, sir Robert Peel lui offrit inutilement à plusieurs reprises le titre de baronet. L’ancien ouvrier mineur aimait à dire malicieusement: «On m’appelait autrefois George Stephenson tout court; aujourd’hui on m’appelle George Stephenson, esquire, Tapton-House. »

Outre la Belgique, il visita l’Espagne en compagnie de sir Joshua Walmsley, qui était en négociation avec le gouvernement espagnol au sujet de l’ouverture d’une ligne de chemin de fer de Madrid à la baie de Biscaye. Il traversa rapidement la France, examina avec un très vif intérêt les travaux du chemin de fer d’Orléans et de Tours. Arrivé en Espagne, il parcourut la ligne projetée, mais ne fut satisfait du résultat de ses études ni au point de vue technique ni au point de vue commercial. Sur ses conseils, la compagnie anglaise abandonna l’entreprise. Il faut remarquer ici que Stephenson, accusé au commencement de sa carrière d’être un esprit aventureux et amoureux de chimères, se montrait au contraire toujours réservé, timoré même toutes les fois qu’on invoquait son autorité. Ces craintes résultaient d’une scrupuleuse honnêteté; il ne voulait pas qu’on fît appel au crédit public sans s’être assuré les meilleures chances de succès. Il n’était point, comme se sont montrés tant d’autres ingénieurs, uniquement préoccupé de laisser dans de dispendieux et magnifiques travaux d’art un monument élevé à sa propre gloire. Il évitait avec un soin extrême tout ce qui pouvait aggraver les dépenses, et son système constant a été en matière de tracé de chercher la voie la plus facile, dût-elle être la plus longue. Fortement persuadé que la locomotive perd ses principaux avantages quand on lui donne à gravir des rampes trop inclinées, il était partisan des pentes très faibles; mais on vit bientôt se former contre lui une école d’ingénieurs qui allèrent jusqu’à soutenir qu’une succession de montées et de descentes était préférable à un tracé horizontal. De nos jours, on a pu reconnaître l’absurdité d’une pareille doctrine. Si les progrès opérés dans la construction des locomotives permettent d’être beaucoup moins réservé que Stephenson, les ingénieurs ne s’écartent pourtant des règles qu’il suivait que lorsqu’une nécessité rigoureuse les y contraint.

Après les luttes qu’il lui fallut soutenir en faveur de son système de tracé, Stephenson eut à défendre la locomotive elle-même contre la compétition d’un système nouveau qui porte le nom de système atmosphérique. Presque tout le monde le connaît en France par l’application qui en a été faite à Saint-Germain : on sait que les convois, au lieu d’être remorqués par une machine, sont entraînés par un piston qui se meut dans un long tube, où l’on fait le vide au moyen de puissans appareils pneumatiques; l’air pousse le piston du côté où le vide s’opère, et les voitures qui s’y attachent obéissent à la