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avait visité avant nous la province de La Conception : la relation de ses voyages en contenait une description très détaillée ; mais la guerre avait rendu méconnaissable cette heureuse et florissante partie du Chili. La Conception ne présentait plus en 1820 que le spectacle douloureux d’une ville saccagée plusieurs fois par l’ennemi. Les campagnes abandonnées restaient sans culture, et le commerce avait déserté des rivages où il ne trouvait plus ni profits ni sécurité. Aussi la population de La Conception, qui, au moment du passage de La Pérouse, s’élevait à quinze mille âmes, se trouvait-elle déjà réduite en 1820 à huit mille habitans.

Bien que le parti des indépendans eût remporté des victoires décisives, la guerre civile n’était pas complètement terminée dans les provinces du Chili. Les habitans des montagnes, dirigés par les moines, qui avaient conservé sur leur esprit une très grande influence, combattaient encore pour la cause royale. A leur tête marchait un Chilien, le fameux Benavidès, à qui la connaissance parfaite du pays donnait pour cette guerre de partisans de très grands avantages. Les royalistes du Chili se battaient en héros et mouraient en martyrs. S’ils avaient le malheur de tomber dans les mains de l’ennemi, ils réclamaient pour toute faveur qu’on leur laissât le temps de prier pour le roi; leur prière achevée, ils s’offraient d’eux-mêmes au coup mortel : ne demandant point de merci, ils n’en accordaient pas. Bien souvent les indépendans avaient proposé des échanges de prisonniers; ces offres avaient été repoussées avec dédain. Il y avait seulement quelques mois que Benavidès s’était emparé de La Conception. Le général Freyre, qui commandait au nom de la république dans la province, avait dû se retirer avec les milices et le peu de troupes restées disponibles dans la ville voisine de Talcahuana, située à l’entrée de la baie. Le 25 novembre 1820, il avait fait une sortie et engagé une action qui n’avait pas duré moins de deux jours. Les royalistes avaient été complètement battus; ils avaient laissé sept cents hommes sur le champ de bataille et trois cents prisonniers au pouvoir du vainqueur.

Si la métropole avait réussi à armer en faveur de sa cause quelques bandes de paysans fanatiques, le Chili avait trouvé dans les peuplades sauvages qui vivent au-delà du Biobio des alliés dont le concours avait une bien autre importance. Depuis la conquête du Nouveau-Blonde, ces peuplades, connues sous le nom d’Araucanos, avaient toujours été les ennemis les plus acharnés des Espagnols. Elles combattent à cheval. Leurs armes sont la lance, l’arc, la fronde, le lasso et les boules. Il n’est pas sur le continent de l’Amérique de cavalerie qui puisse résister à celle des Araucanos. Avant de charger, ces Indiens dénouent leur chevelure et la laissent tomber autour de