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cette époque, les monceaux de briques rompues et de plâtras n’ont pas été déblayés, les ruines n’ont pas été consolidées, les lézardes bâillent de plus en plus ; seulement le temps a décoré d’arbustes les murailles penchantes, et sur la haute coupole de l’Iglesia-Mayor tressé une verte guirlande toute bariolée de fleurs jaunes et rouges. Dans cette ville, encore aussi délabrée que le lendemain du tremblement de terre, je ne vis qu’une maisonnette neuve et les fondemens d’un édifice inachevé qui devait servir à un grand collège provincial. La demeure du plus riche commerçant de la ville, jadis véritable palais, n’offre plus, du côté de la mer, qu’un ensemble de ruines ; des murs chancelans entourent le jardin rempli de débris amoncelés ; des fûts de colonnes, des chapiteaux jonchent le sol ; des arbres épineux croissent au milieu des pierres. Malgré ces traces du désastre de 1825, Sainte-Marthe est loin de produire sur l’esprit la même impression lugubre que Carthagène: les rues sont plus larges, les maisons que n’a pas renversées le tremblement de terre sont blanchies à la chaux ou peintes de couleurs gaies, et puis la nature est si belle qu’elle jette un reflet de sa beauté sur la ville tapie à ses pieds au milieu des arbres. Depuis le partage de la Nouvelle-Grenade en huit républiques fédératives. Sainte-Marthe a voté la construction d’un phare sur le Morro, établi plusieurs institutions d’utilité publique, fondé une école d’enseignement supérieur. Puisse-t-elle tenir à honneur de mériter son titre de capitale d’un état souverain !

Devant les maisons, au centre de la vaste courbe dessinée par la plage, s’élèvent les ruines d’un ancien fort dont les murailles à demi rongées s’émiettent pierre à pierre dans les flots envahissans. Les bongos de la Cienega, chargés de bananes, de poissons, de noix de coco, ancrent au pied de la forteresse, et c’est au milieu des blocs de pierre, sur le sommet des remparts, que les Indiens étalent leurs denrées. Les femmes de la ville, en général assez court vêtues, y viennent en foule chercher leurs provisions de la journée. Rien de pittoresque comme ce marché tenu en plein air, sur des murs qui surplombent la vague bleue.

Les grands navires d’Europe et des États-Unis mouillent à un kilomètre plus au nord, au fond même de l’anse et au pied du promontoire qui la protège contre les vents du nord et les vents, d’est. La plage qui s’étend entre le port et la ville est bordée d’un côté par la mer, de l’autre par des salines quelquefois inondées. Le soir, elle sert de promenade à toute la population, et les piétons, les cavaliers, les voitures la parcourent en tout sens. La douane, un entrepôt ruiné, une jetée, quelques tentes de feuillage dressées au-dessus des ballots de marchandises, sont les seules constructions élevées sur le port, qui, loin d’apparaître comme un centre d’activité, semble plu-