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épurée de certaines images qu’on accuse d’anthropomorphisme, comme si c’était agrandir la notion de Dieu que de la simplifier, comme si les qualifications abstraites que nous lui donnons pour attributs étaient moins des idées humaines que les traits sous lesquels notre imagination le personnifie. La notion de Dieu poursuivie par la science suppose une philosophie de l’infini, c’est-à-dire une philosophie impossible. Cette critique, dont l’origine est fort reconnaissable, conclut à la nécessité de porter l’examen non sur l’objet, mais sur le sujet de la religion, non sur la théologie naturelle ou révélée, mais sur l’esprit humain dans ses rapports avec ce dont elle traite. Au lieu de prétendre en vain à une idée didactique de Dieu qui serve ensuite à contrôler les dogmes particuliers, on doit étudier la pensée religieuse en elle-même, c’est-à-dire l’intelligence ou la raison relativement à Dieu, et l’on trouvera que la connaissance, astreinte comme elle est à la forme de la conscience, suppose dans son objet la limitation, la relation, le temps, toutes choses que l’on exclut a priori de la Divinité; on trouvera, en d’autres termes, que, le fini ne pouvant concevoir l’infini, le personnel ne pouvant concevoir l’absolu, il y a contradiction entre le sujet et l’objet. Or, comme la contradiction ne peut être une qualité des choses, elle est dans la manière de penser; elle est ici dans une prétendue science des choses divines, et trouver Dieu par la raison est impossible. Cependant l’idée de Dieu, la croyance en Dieu est dans l’humanité. C’est qu’elle n’y est pas de par la raison pure. En fait, elle vit sous la forme concrète d’un sentiment profond de dépendance envers un maître souverain et d’obligation morale envers un législateur. Ces croyances mêmes ne sont pas dans notre esprit sous cette expression aride et générale ; elles ont plus de couleur, plus de relief, plus de corps, et elles n’en exercent que plus d’empire, elles n’en satisfont que mieux tous les besoins de notre nature. C’est qu’elles n’ont pas pour but la perfection de la connaissance, mais la perfection morale; c’est qu’elles sont plutôt régulatives qu’instructives, et par conséquent il ne faut pas en demander la démonstration scientifique. Il suffit qu’elles soient appuyées d’un concours de raisons probables, et qu’adressées pour ainsi dire à toutes les parties de nous-mêmes, sans contenter exclusivement la raison spéculative, elles s’emparent de l’homme tout entier. Les conséquences de cette théorie générale en faveur de la révélation se présentent d’elles-mêmes, et l’on sent que M. Mansel a pu trouver là le point d’appui d’une nouvelle apologie du christianisme.

Ce que nous ne pouvons qu’indiquer ici, c’est le parti qu’a su tirer de cette théologie critique un esprit vigoureux formé aux exercices d’une école vraiment philosophique; nous pouvons garantir à tous ceux qui s’attachent à l’étude sacrée ou profane de la