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dites. Il est aujourd’hui lecteur de philosophie morale et métaphysique à Magdalen-College, dans l’université d’Oxford. Sa compétence est donc entière pour attaquer par leur côté philosophique les problèmes de la théodicée; mais sa position académique, son titre d’oxonien, sa qualité de membre de l’église établie, ne permettent guère de soupçonner en lui un théologien téméraire, faible ou complaisant sur l’orthodoxie. En effet, il ne l’est pas, et son livre atteste une véritable sévérité dans la foi, et même une certaine ardeur chrétienne qui n’affecte pas l’impartialité. Cependant il est bien de cette école écossaise, devenue plus difficile et plus stricte en dialectique par son commerce avec l’école de Kant, et telle que l’a faite et laissée sir William Hamilton. L’œuvre de cet éminent penseur est surtout en effet d’avoir plus étroitement combiné l’observation et la critique, d’avoir cherché à corriger, par une plus grande recherche de subtile exactitude, ce laisser-aller, cette sorte de crédulité systématique que l’on reprochait à ses prédécesseurs, sans compter le secours de vaste et minutieuse érudition philosophique qu’il est venu apporter à l’ignorance un peu volontaire de Reid et de ses contemporains. A-t-il par là réussi à changer la fonte en acier, à donner plus de force, plus de trempe, plus de pointe, à la doctrine qu’il a ainsi reforgée? Est-il parvenu à en chasser le dernier grain de scepticisme qu’elle contient? C’est une question; mais il est certain que dans le parti-pris avec lequel Thomas Reid proscrit presque toutes les conclusions de la métaphysique ancienne et moderne, dans cette continuelle inscription de faux contre presque toutes les théories de la science, ne respire pas une grande confiance dans la raison, mère de la métaphysique et de la science. Lorsque, de son côté, Kant est venu attaquer l’une et l’autre, et contester leurs droits et leurs dires, il poursuivait une œuvre plus analogue qu’on ne le croirait d’abord à celle du professeur de Glasgow. Le rationalisme critique de l’un est sur la même voie que l’appel au sens commun de l’autre, et pour l’honneur de la philosophie spéculative, c’est presque la même chose que de soutenir qu’il faut s’en rapporter à certaines croyances instinctives, parce qu’elles sont des faits, ou que, pour être des faits, elles n’en courent pas moins le risque d’être des illusions. En toute chose, le fait séparé du droit est d’une médiocre valeur. Si donc, formé et aguerri par l’étude de la philosophie grecque et de la philosophie germanique, Hamilton a porté plus de rigueur dans l’enseignement des Écossais, il n’est pas sûr qu’il ait affermi les bases de leur doctrine. Et lorsqu’il a insisté sur ce point, mis par lui dans un jour nouveau, que, la détermination étant à la fois la forme et l’essence de la connaissance, rien ne pouvait être connu que limité conditionnellement, il a éliminé de la science l’absolu et l’infini, il a encore rapproché.