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ont été d’accord avec de grands docteurs étrangers pour contester la possibilité de prouver Dieu a priori, et plus récemment Culverwell, l’auteur d’un traité estimé sur la religion suivant la lumière naturelle, Cudworth, l’évêque Barlow, l’archevêque Tillotson, enfin Humphrey Ditton, qui a écrit postérieurement à Clarke, se sont rangés à la même opinion.

Il y aurait bien quelques remarques à faire sur la manière dont Waterland discute les autorités qu’il cite; mais il vaut mieux l’entendre lui-même quand il conteste à l’argument de Clarke d’être valable a priori, puisque c’est une conclusion d’une nécessité de conception à une nécessité d’existence. C’est au fond le reproche si souvent adressé à la preuve de Descartes, de passer gratuitement de l’existence idéale à l’existence réelle. Comment d’ailleurs prouver a priori l’existence d’une première cause, puisque rien n’a la priorité sur elle? Dieu ne peut avoir de principe que lui-même. Or la tentative audacieuse d’une démonstration impossible offre le danger d’ébranler la vérité qu’elle veut affermir. Elle suppose la faiblesse de toutes les preuves qu’elle tend à remplacer; elle les condamne pour se justifier, et comme elle ne réussit pas dans sa justification, elle met l’existence de Dieu au rang des théorèmes à démontrer.

Malgré la sévérité de ce jugement, la voie où était entré Clarke n’a pas été abandonnée : son autorité, si grande dans la première moitié du XVIIe siècle, a un peu baissé; mais elle n’est pas annulée. Coleridge, implacable pour toute école qui ne relevait pas de Platon, dit quelque part qu’il soupçonne Clarke d’avoir été surfait. En marchandant, nous lui laisserons pourtant encore une grande valeur, et dans toute recherche sur le théisme, il devra conserver une honorable place. Après lui, sans se laisser décourager ni par son exemple ni par ses objections, des écrivains qui ne sont guère connus qu’en Angleterre, le révérend Moses Lowman, l’évêque Hugh Hamilton, ont encore essayé de démontrer a priori l’existence de Dieu, et il n’y a guère que quinze ans qu’un Écossais, William Gillespie, a entrepris, après une revue de tous les argumens de ses prédécesseurs, d’en présenter un nouveau qui échappât à toutes les critiques qu’ils ont à ses yeux justement encourues.

L’ouvrage de M. Gillespie est certainement intéressant et curieux. Il est intéressant, parce qu’il est impossible de discuter avec plus de bonne foi, de faire de plus consciencieux efforts pour mettre dans tout leur jour et ses propres idées et ses objections aux idées des autres. On sent qu’il a vivement à cœur de ne faire injustice à personne, de ne tromper personne, et de livrer sa pensée tout entière à l’examen qu’il semble provoquer. L’ouvrage est curieux aussi par la thèse à laquelle il est consacré. La voici : supposé qu’il y ait une