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premiers de France pour l’étendue des terrains drainés. De plus, dans l’intervalle que lui laissent ses travaux, M. Dubost vient de publier une excellente étude sur cette partie du département de l’Ain qu’on appelait autrefois la principauté de Dombes, et qui forme aujourd’hui l’arrondissement de Trévoux.

La Dombes est un vaste plateau de près de 100,000 hectares, borné à l’ouest par la Saône, à l’est par l’Ain, au midi par le Rhône. Quand on sort des rians paysages de la Bresse pour mettre le pied sur ce plateau, les prairies verdoyantes disparaissent, et à leur place s’étendent d’immenses flaques d’eau où de chétifs animaux cherchent dans la vase une chétive nourriture. Les cultures riches et variées font place à de maigres récoltes, à des champs nus ou couverts de fougères, et parsemés de loin en loin de quelques bouleaux. L’homme lui-même a pris le cachet du pays ; la fièvre l’a rabougri, et, si loin que le regard puisse s’égarer, on aura bien vite compté les rares demeures des habitans. D’où vient cet aspect désolé ? Quelle cause a semé sur cette vaste surface la fièvre et la pauvreté ?

Le plateau de la Dombes n’est pas précisément plat ; le point le plus élevé est à 300 mètres au-dessus du niveau de la mer et à 130 mètres environ au-dessus de la Saône. Tous les cours d’eau y ont une pente suffisante pour un rapide écoulement. Le sol n’y est pas monotone et dépourvu d’accidens, chaque vallée principale se subdivise en vallées secondaires, qui, en se ramifiant elles-mêmes, forment une succession d’ondulations aussi agréables à l’œil que favorables à la culture ; mais ces avantages sont fort atténués par la nature géologique. M. Dubost entre à ce sujet dans les détails les plus précis, d’après les travaux de MM. Élie de Beaumont, Emile Benoît et Pouriau. La première couche, formant le sol arable, est un composé de silice et d’argile ; la seconde couche, ou sous-sol, une argile ferrugineuse d’une profondeur moyenne de 9 à 10 mètres ; la troisième, un gravier perméable et calcaire d’une grande épaisseur, et qui n’affleure à la surface que dans la coupure des vallées principales. Cette constitution a l’inconvénient naturel de retenir les eaux à la superficie jusqu’à ce que l’évaporation les fasse disparaître.

Un grand écart des températures moyennes, des chaleurs intenses en été, des froids rigoureux en hiver, une énorme quantité d’eau pluviale, la persistance des vents du nord et la fréquence des orages, tels sont les caractères généraux du climat dans cette région de la France. La quantité d’eau pluviale que reçoit la Dombes est presque double de celle qui tombe annuellement sous le climat de Paris, et cependant le nombre des jours pluvieux y est inférieur ; il n’y a en moyenne que 115 jours de pluie par an. Ce qui manque le plus à la Dombes, ce sont des abris ; de mémoire d’homme, on n’a cessé d’y défricher les bois et de détruire les rideaux d’arbres. La partie centrale, la plus élevée et par conséquent la plus accessible au vent, est aussi la plus déboisée. Les cours d’eau, par le défaut de curage et d’entretien, ont été encombrés et rétrécis, et ne présentent plus qu’un débouché insuffisant. Les pluies torrentielles n’étant pas rares, il en résulte des débordemens périodiques. Les eaux pluviales sont très chargées d’ammoniaque, et par conséquent très fertilisantes ; mais on a négligé jusqu’ici de les utiliser pour la culture. On a remarqué que les momens de l’année où les fièvres sévissent