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elles-- sont impuissantes. Les édits rendus par Pie IX depuis la restauration de 1849 n’ont-ils pas été une lettre morte ? Les institutions les plus modestes sont-elles réellement autre chose qu’un nom ? On l’a vu récemment encore : il y a à Rome une consulte des finances qui s’est réunie. Le jour de la réunion de la consulte, le président, le cardinal Savelli, adressait un discours au pape, et il se permettait d’exprimer quelques conseils bien timides au sujet des dépenses croissantes et de l’exagération des crédits additionnels. Le lendemain, le cardinal Savelli était remplacé, et autorisé à prendre un repos devenu nécessaire à sa santé. La crainte de tout mouvement, un certain effroi de l’esprit moderne, voilà le mal éternel… Et cependant il y a longtemps déjà que les puissances européennes ont cherché à éclairer le saint-siège. Dans la politique contemporaine, il y a, si l’on me passe le terme, toute une tradition de conseils dont les premiers remontent au mémorandum de 1831. Il y a quatre ans encore, la situation alarmante des états de l’église était constatée au congrès de Paris, et les conseillers de la cour de Rome auraient pu, ce semble, voir la lumière jaillir de ces débats diplomatiques ; ils auraient pu comprendre que le moment était venu, et que la plus dangereuse des politiques était de laisser s’accumuler les griefs, de se laisser devancer par la désaffection des populations. On n’en a rien fait ; on a préféré rester dans l’immobilité, louvoyer sans cesse et se réfugier dans une faiblesse invulnérable sans doute contre les violences despotiques, mais qui n’est point à l’abri de la force des choses, de la loi souveraine qui règle la marche des sociétés humaines.

Qu’en est-il résulté ? On l’a vu suffisamment : cette politique a conduit tout droit à une situation telle que le jour où les Autrichiens quittaient Bologne, au mois de juin 1859, l’autorité pontificale cessait d’exister, et que, le jour où l’armée française quitterait Rome, la puissance temporelle du saint-siège serait vraisemblablement fort en péril au centre même de la catholicité. Faut-il donc, comme M. l’évêque d’Orléans et M. de Montalembert, en accuser uniquement les révolutionnaires, une tourbe de démagogues ? Non ; si l’on veut être vrai, il faut en accuser deux choses qui ont droit au respect de tous les hommes sérieux, qui sont honorées dans tous les pays et que nous ne devons pas traiter légèrement, parce qu’elles se retrouvent dans les États-Romains : l’esprit de nationalité, qui est en souffrance depuis si longtemps à Bologne, et un besoin de réformes civiles qu’on n’a pas su satisfaire. Qu’on nous permette de croire que tout l’épiscopat ne pense pas absolument comme M. l’abbé Dupanloup. M. d’Azeglio cite dans sa brochure une lettre d’un évêque français qui allait vraiment fort loin, et qui écrivait il y a peu de temps : « Si le saint-siège vient à être privé de son temporel, il pourra bien en faire son meâ culpâ. Cette soustraction d’autorité temporelle aura lieu cependant si le pape ne donne pas à ses états une constitution sur une large échelle. L’absolutisme n’est plus de mise en Europe ; c’est pour cela que l’Autriche a été chassée d’Italie. » — « Que prétendons-nous de plus ? » ajoute fort justement M. d’Azeglio. Et qu’on observe ici un fait singulier ; qu’on remarque comment les politiques inertes ou peu prévoyantes compromettent souvent les causes qu’elles prétendent sauver, comment elles finissent par rendre possible ce qui ressemblait à une utopie. Il y a trente ans, Rossi,