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et tout ce qui constitue un bon gouvernement. Rien n’empêche que le gouvernement pontifical ait l’esprit patriotique, de bonnes lois, une armée, des finances régulières, une justice environnée de garanties. Et cependant tout ce que M. l’évêque d’Orléans déclare si parfaitement conciliante avec l’inviolabilité du dogme catholique existe-t-il à Rome ? Et s’il n’en est pas ainsi, pourquoi cela ? Parce que depuis longtemps la papauté est malheureusement entraînée et compromise dans son existence temporelle par les conseillers qui s’efforcent de la faire autrichienne, et qui résument sa politique dans ce mot : pas de concessions !

Le malheur de la papauté contemporaine, c’est justement de ne s’être point toujours inspirée de ces pontifes patriotes dont M. Dupanloup cite l’exemple ; c’est au contraire de s’être insensiblement laissé entraîner vers l’Autriche au point de s’absorber en elle, de vivre de son secours et d’accepter politiquement une connivence ou une solidarité de principe et de domination dont le cabinet de Vienne était trop intéressé à se servir pour ne point la rechercher et l’imposer. Ce n’est pas qu’il n’y ait eu parfois des velléités d’indépendance et de nationalité. Il fut un temps où le cardinal Consalvi surveillait avec défiance les envahissemens croissans de l’Autriche, et le pape actuel, Pie IX, on s’en souvient, écrivait un jour à l’empereur de renoncer à « une domination qui ne serait ni noble ni heureuse, puisqu’elle ne reposerait que sur le fer,… de ne pas mettre son honneur dans des tentatives sanglantes contre la nation italienne. » Mais ce n’est là qu’une lueur faible et intermittente. La vraie et fatale tradition de la cour romaine depuis 1815 est dans l’alliance avec l’Autriche, dans une sorte d’identification d’intérêts, au point que depuis quarante-cinq ans l’empereur a été à coup sûr beaucoup plus que le pape le maître de Bologne. Ni l’Autriche ni les autorités pontificales ne s’en cachaient guère au reste. « Après nous être entendu avec le gouvernement militaire autrichien, » disaient les édits des délégats apostoliques, tandis que les chefs autrichiens inscrivaient de leur côté en tête de leurs arrêtés : « l’impérial et royal gouvernement civil et militaire résidant à Bologne ordonne… » Nous ne citerons qu’un fait récemment dévoilé. Un jour le commissaire pontifical proposait de ramasser tous les suspects à Bologne et de les envoyer comme recrues au maréchal Radetzky, lequel les refusait, et le légat écrivait au cardinal Antonelli : « C’en est fait de l’espérance placée dans la déclaration du ministère autrichien relativement au projet d’incorporer dans les régimens impériaux la tourbe de nos vagabonds… » Que voulez-vous dire aux Romagnols s’ils finissent par se lasser de ce régime et par confondre dans leur ressentiment l’Autriche et l’autorité pontificale elle-même, dépopularisée par dix ans d’occupation étrangère ? Faudra-t-il, comme on le fait, accuser leur ingratitude ?

Les conseillers de la papauté n’ont pas été plus heureux, et ne l’ont pas moins compromise par le système politique qu’ils lui ont imposé dans le gouvernement des États-Romains. Point de concessions ! tel est le dernier mot de cette politique, plus forte que toutes les volontés des pontifes eux-mêmes. « L’immobilité n’est point une conséquence du dogme catholique, » dit justement M. Dupanloup. Non, mais elle peut être un fait de gouvernement, et elle est le dogme de la cour romaine, si bien que les réformes elles-