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d’établir des organisations arbitraires et sans racines dans les choses ni dans les hommes. La première difficulté de la situation actuelle de l’Italie, c’est que la guerre entreprise l’année dernière a été interrompue, mais non achevée, par la paix de Villafranca. La guerre n’a pas été finie, puisque l’Autriche est restée maîtresse de la Vénétie avec la formidable position militaire du quadrilatère et l’accès de la rive droite du Pô. De cette guerre et de cette paix brusquées sont nées les deux difficultés de la situation présente, la difficulté romaine et l’annexion. Si le programme de la guerre eût été rempli, et si l’Italie avait été rendue libre jusqu’à l’Adriatique, trois choses nous paraissent démontrées : c’est que premièrement un congrès n’eût point été nécessaire, secondement que toutes les provinces de l’Italie centrale n’eussent pas demandé, du moins avec la ténacité qu’elles ont montrée depuis six mois, à être unies au Piémont, troisièmement que le divorce entre le saint-père et ses sujets ne se fût pas accompli, et qu’entre les Italiens affranchis de la crainte de l’étranger, cherchant leur constitution définitive, et le pape délivré de l’odieuse protection autrichienne, une entente eût pu s’établir. L’on a jugé un congrès nécessaire pour appuyer d’une sanction européenne un état de choses factice, et qui n’avait point de chance d’exister par la propre force des intérêts et des idées en Italie. Les Italiens, de leur côté, ont jugé l’annexion nécessaire pour constituer une force militaire nationale qui pût achever l’affranchissement de l’Italie et défendre son indépendance. Dans ce mouvement, le pape demeurait condamné, comme souverain temporel, à ces indécisions qui l’ont brouillé depuis 1848 avec le parti militant de l’indépendance, et les chefs de ce parti ont sacrifié à la cause de l’affranchissement, pour laquelle il fallait se préparer à combattre encore, l’intérêt de la papauté, qui est pourtant un intérêt si essentiellement italien, et auquel aucun homme d’état véritable de la péninsule ne saurait refuser une grande et haute place dans la réorganisation définitive de l’Italie rendue à elle-même. Le meilleur parti à tirer encore de cette confusion pour une puissance comme la France, qui n’a pas voulu achever la guerre qu’elle avait commencée, et qui s’est créé une triste nécessité d’intervention et d’immixtion perpétuelles tant que l’Italie ne serait pas assez forte pour pouvoir défendre seule son indépendance, c’était de laisser faire les Italiens et de ne pas s’opposer à l’annexion. Il ne paraît pas que nous soyons arrivés encore à cette conclusion pratique, puisqu’on parle toujours de la création éventuelle d’un royaume de l’Italie centrale ; mais pour créer un royaume de l’Italie centrale, dont aucun homme sérieux ne veut en Italie, il faut lui chercher des états en Europe, il faut poursuivre l’expédient d’un congrès, il faut demander au pape et aux archiducs des renonciations qui permettent au congrès de disposer des Romagnes, de la Toscane, de Modène, de Parme : sans renonciations semblables, comment le droit légitimiste et le droit populaire pourraient-ils s’affronter l’un l’autre devant une assemblée de représentans de souverains ? Congrès et renonciations furent donc de compagnie devant la main qui les cherche et croit pouvoir les saisir. En attendant, en Italie, les faits qui tendent naturellement à s’accomplir sont entravés, suspendus. Rien ne s’achève, ne se prépare, ne prend cette force naturelle dont nous devrions hâter au contraire la forma-