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soulever des réclamations plausibles au sein du clergé et des catholiques français, qui ne peuvent oublier un acte récent et erroné, suivant nous, de la politique française, l’expédition de Rome de 1849, acte erroné, disons-nous, que nous expions tous en ce moment, mais qui avait eu le grand avantage légal, si nous pouvons ainsi dire, d’être décidé en pleine république, sous le couvert de ces institutions représentatives où toutes les grandes influences du pays pouvaient librement et en pleine lumière agir sur la direction, de la politique générale ? Enfin, au point de vue purement italien, ces conseils donnés de haut, si favorables qu’ils soient au fond à la cause de l’indépendance italienne, ne courent-ils point le danger, en se répétant, d’être représentés comme une immixtion étrangère ? Le droit populaire ne perd-il pas quelque chose de son prestige à recevoir du dehors une protection si marquée ? Ne devons-nous pas prendre garde, si nous voulons que quelque chose de vraiment indépendant et de durable se fonde en Italie, de laisser voir trop fortement l’empreinte française ?

Tels sont les doutes sérieux et les scrupules dont nous ne pouvons nous défendre devant les difficultés d’une autre sorte que la politique du gouvernement a, en se modifiant, rencontrées ou soulevées dans la politique italienne. Les difficultés sont grandes, tout le monde le reconnaît : c’est même le seul point sur lequel le saint-père et l’empereur se soient rencontrés dans le discours et la lettre qui viennent de se croiser entre Paris et Rome. Le pape prie Dieu de faire descendre ses grâces et ses lumières sur l’empereur, « afin que, par le secours de ces lumières, il puisse marcher sûrement dans sa voie difficile, » et l’empereur espère que sa sainteté « comprendra la difficulté de sa situation. » Ces difficultés sont, il faut le reconnaître, atténuées par le concours moral que nous pouvons attendre de l’Angleterre. Malgré les bruits qui ont été récemment prodigués par une partie de la presse anglaise, nous croyons qu’il est sage de n’accueillir qu’avec réserve tout ce que l’on rapporte sur la nature et la portée de ce concours. Nous ne voulons pas savoir si le voyage de lord Cowley autour duquel ont roulé tant de rumeurs avait un objet politique précis. Nous ne pensons pas qu’en Angleterre au moins on ait jamais eu l’idée de cimenter par un traité avec la France et la Sardaigne une triple alliance dans le genre de cette quadruple alliance qui se forma en 1834 entre la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal. On parle maintenant d’un traité de commerce qui se négocierait entre Paris et Londres. Nous avons peu de confiance en cette nouvelle. Nous applaudirions médiocrement à la conclusion d’un traité de commerce. Partisans de la liberté commerciale, nous sommes convaincus que c’est par des réformes de tarifs d’une application générale et non par des traités de commerce qu’elle doit se réaliser. Le point de départ de toute politique commerciale éclairée doit être celui-ci. Il faut qu’un pays soit amené à abaisser ses tarifs par la conviction que ses intérêts généraux le lui commandent ; il faut qu’il soit pénétré de cette vérité de bon sens, qu’en payant les produits dont il a besoin à leurs prix naturels, il gagne en richesse une somme bien plus considérable encore que celle qu’il payait aux industries protégées sous forme de droits de douane ; il faut qu’il comprenne, comme l’Angleterre, qu’en réduisant ses tarifs, il ferait une excellente affaire, lors même