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soustraire à nos engagemens, nous devons supposer que nous serons déliés par qui de droit des obligations du traité. Le dernier mot reste enfin à cette inexorable logique des faits, si opportunément invoquée par l’empereur dans sa récente lettre au saint-père ; mais cette inexorable logique des faits est-elle près d’achever son œuvre ? Nous ne le croyons point, et c’est une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas fiers de voir aujourd’hui le gouvernement incliner si ouvertement vers les opinions que nous soutenons depuis six mois.

Qu’un changement se soit opéré dans la politique du gouvernement sur les questions italiennes, on le pressentait depuis quelque temps, on le devinait, on en pouvait même jurer depuis la publication de la fameuse brochure ; mais enfin la retraite de M. le comte Walewski et la publication de la lettre de l’empereur au saint-père nous l’ont officiellement appris. Malgré le principe constitutionnel en vigueur de l’irresponsabilité ministérielle, nos ministres des affaires étrangères ont conservé, il faut le dire à leur honneur, la tradition parlementaire, et se tiennent pour responsables envers l’opinion de leur consistance politique. MM. Drouyn de Lhuys et Walewski ont donné, sous ce rapport, des exemples dont il doit être tenu compte. Quoi qu’il en soit, nous avons à déterminer la portée des modifications survenues dans la politique du gouvernement, à étudier les questions délicates et graves que les actes récens ont fait naître, et à chercher les rapports qui existent entre la nouvelle politique et les dispositions présentes des populations italiennes.

À notre avis, le changement de la politique impériale est exprimé surtout dans le passage de la lettre au saint-père où l’empereur avoue son impuissance à arrêter dans les Romagnes « l’établissement du nouveau régime. » Il est permis sans doute d’étendre le bénéfice de cet aveu d’impuissance aux autres parties de l’Italie centrale, Parme, Modène et Toscane. Si l’empereur croit ne rien pouvoir pour la restauration du pape, qui a été neutre dans la dernière guerre, à plus forte raison doit-il penser ne rien pouvoir pour la restauration des archiducs, alliés avoués de l’empereur d’Autriche. Il y a donc eu deux périodes dans la politique française depuis Villafranca : l’une pendant laquelle le gouvernement impérial croit les restaurations possibles dans l’Italie centrale, l’autre où il les juge impossibles. La première de ces périodes, dont le caractère est surtout exprimé par l’article du Moniteur du 9 septembre et par la lettre au roi de Sardaigne, est décidément close. L’autre est celle où nous sommes entrés depuis peu : elle est inaugurée par ce fait important, que la politique impériale se reconnaît impuissante à arrêter l’établissement des nouveaux régimes, et en conséquence déclare franchement qu’elle renonce à restaurer les anciens. En arrêtant à cette limite la nouvelle politique impériale, nous n’avons rien à y redire au nom des opinions que nous avons soutenues dans la question italienne. Nous n’avons point appelé, nous aurions au contraire désiré pouvoir détourner la guerre d’Italie. Nous eussions voulu, en tout cas, que la France ne se fût engagée dans cette guerre qu’après de vastes et profondes discussions publiques où tous les intérêts du pays eussent pu se faire entendre, où toutes les difficultés politiques inhérentes à cette entreprise, et qui ont l’air aujourd’hui