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cause était gagnée, du moins théoriquement. Le Traité de la physique des arbres et celui de l’exploitation des bois complètent les travaux forestiers de cet homme éminent, auquel ils valurent la position d’inspecteur général de la marine. — Contemporain, de Duhamel, Buffon se livra comme lui à de nombreuses et curieuses expériences sur les propriétés des bois et la culture des forêts ; il fit de ces matières l’objet de plusieurs mémoires adressés à l’Académie en 1774, dans lesquels on retrouve encore, exposée très clairement, toute la théorie des éclaircies et des nettoiemens[1].

Voilà le premier ordre de coupes dont se compose la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies, celui des coupes d’amélioration, né et constitué sur le sol français. Nos voisins, il est vrai, nous contestent la priorité de la découverte comme celle de l’application ; mais cette prétention paraît bien peu fondée quand on voit leurs auteurs les plus autorisés, comme Moser et Burgsdorff en 1757 et en 1788, c’est-à-dire bien après Réaumur et Duhamel, combattre en principe les coupes d’éclaircie et ne les admettre que très exceptionnellement dans les bois déjà vieux. Ce n’est qu’en 1791, alors qu’en France les idées de Duhamel étaient fort répandues parmi les agronomes, sinon parmi les forestiers, et que Varenne de Fenille avait produit ses deux fameux mémoires sur l’aménagement des taillis et des futaies, que Hartig, qui fut depuis grand-maître des forêts en Prusse, fit paraître son Instruction sur la Culture des Bois (Anweisung zur Holzzucht), où il expose la théorie des éclaircies et la relie à celle des coupes de régénération, qu’il venait de découvrir.

Ainsi les coupes d’amélioration ont une origine fort différente de celle des coupes de régénération, et beaucoup plus ancienne : les premières sont incontestablement françaises, les autres nous viennent d’Allemagne. Autant en effet les auteurs français se sont occupés, avec un remarquable esprit d’observation, de l’éducation des futaies, autant l’idée de les régénérer par la voie naturelle leur a fait défaut. Varenne de Fenille y serait arrivé sans doute, s’il n’avait péri en 93, victime, comme Lavoisier, de la terreur révolutionnaire. Quoi qu’il en soit, après avoir parfaitement reconnu et signalé

  1. « Dans les bois composés de chênes, hêtres, charmes, frênes, où il se trouve d’autres essences d’un accroissement plus prompt, telles que trembles, bouleaux, marceaux, coudriers, etc., il y a du bénéfice à faire couper, au bout de douze à quinze ans, ces dernières espèces ; on coupe en même temps les épines et autres mauvais bois. Cette opération ne fait qu’éclaircir le taillis, et bien loin de lui porter préjudice, elle en accélère l’accroissement. Le chêne, le hêtre et autres grands arbres n’en croissent que plus vite, en sorte qu’il y a le double avantage de tirer d’avance une partie de son revenu par la vente de ces bois blancs, et de trouver encore un taillis tout composé de bois de bonnes essences et d’un plus gros volume. »