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il avait été écrit en italien, et fut traduit en français par ordre de Charles V[1].

Olivier de Serres, qui vécut dans le XVIe siècle, semble encore partager le même préjugé. Voici en effet la définition qu’il donne des forêts dans son Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs : « Quand on parle des bois en général, s’entend des sauvages, nom appartenant à toute espèce d’arbres qui n’ont pas été apprivoisés par artifice, lesquels la terre produit naturellement, dont se forment les grandes forêts, quand par longues guerres, pestes, famines, et autres changemens (lesquels les hommes sont sujets), les pays se déshabitant, et les terres, demeurant désertes, se revestent des plantes susdites, mais avec distinction des lieux et des races. » Olivier de Serres ne paraît cependant avoir qu’une confiance limitée dans cette reproduction spontanée, puisqu’il recommande l’emploi des trois seuls procédés artificiels que nous connaissions encore aujourd’hui : le rejet, la semence et la branche (bouture). Beaucoup plus avancé que tous ceux qui l’ont précédé, l’auteur du Théâtre d’agriculture s’occupe sérieusement de l’exploitation des forêts, auxquelles il consacre un livre tout entier de son remarquable ouvrage. Pour la première fois apparaît la distinction entre le taillis et la futaye, qu’il nomme aussi forest, sans que cependant les deux modes de traitement y soient clairement définis. Il conseille, dans la plantation des futaies, de mélanger les essences, afin d’avoir plus de diversité, et de laisser croître les ronces et les arbrisseaux pour donner un aspect plus touffu et favoriser le développement du gibier. Comme Caton, il insiste sur le point de la lune où l’abatage des arbres doit être effectué. À son avis, quand il l’a été pendant que la lune croît, les souches rejettent plus facilement ; mais la durée du bois est plus grande si l’arbre a été coupé pendant le déclin : il en conclut qu’il y a profit à exploiter les taillis et bois de feu pendant la phase ascendante, et le bois de service pendant la phase descendante de la lune. Ce préjugé s’est maintenu assez vivace pour que Duhamel, au siècle dernier, ait cru devoir le combattre par des expériences directes. Il n’a pas cependant complètement disparu encore, et dans bien des pays les bûcherons se refusent à abattre les arbres de fortes dimensions, si la lune n’est pas dans la phase favorable. Olivier de Serres termine son livre sur les forêts en recommandant

  1. « Les bois, y est-il dit, qui viennent de leur nature, si naissent de la semence et humeur contenue en la matrice de la terre, qui par la vertu du ciel saillent en hault, où ils se dressent en souches de diverses plantes, selon la diversité de l’humeur et des lieux où ils croissent. » — Et afin qu’on ne se méprenne pas sur le sens de ses paroles il ajoute : « Et vient aussy sans l’ayde d’homme, quand la semence chiet (tombe) à terre ou que les oyseaulx les apportent, ou que les eaux les maynent. »