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aux lois de la physiologie végétale, dans l’exécution de travaux de culture et d’entretien de plus en plus complets et mieux entendus. L’agriculture, on le sait, admet deux systèmes d’exploitation : l’une, c’est la culture intensive, se propose de porter le sol à son plus haut point de production ; elle exige par conséquent une quantité considérable de travail et de capital. L’autre est la culture extensive, qui n’en emploie au contraire que le moins possible, et nécessite, pour donner les mêmes produits, une étendue de terrain beaucoup plus grande que la première. Ces deux systèmes vont se retrouver en présence dans le traitement des forêts.

Tous les arbres de nos forêts ne sont pas également précieux : ceux-ci, comme le chêne, le hêtre, le sapin, ont une fibre résistante qui les fait rechercher dans les arts industriels, et leur a valu le nom de bois durs ; ceux-là, comme le tremble, le saule, l’aulne, le tilleul, ont une texture lâche qui les rend impropres à presque tous les usages : on leur donne généralement la qualification de bois tendres ou bois blancs. Multiplier les premiers au détriment des seconds, en activer l’accroissement, en assurer la reproduction, tel doit être le principal but du forestier.

Comme tous les végétaux, les arbres produisent des semences d’où naissent d’autres arbres semblables à ceux qui les ont produites. Les unes, lourdes et volumineuses, comme le gland et la faîne, s’écartent peu du pied dont elles proviennent : les générations nouvelles qu’elles engendrent se succèdent presque sur place et n’envahissent qu’à la longue, et de proche en proche, les terres voisines. Les autres, petites, légères, tantôt munies d’une aile, comme celles du pin, de l’érable et du bouleau, tantôt enveloppées d’aigrettes cotonneuses, comme celles du saule ou du tremble, sont emportées au loin par les vents : elles prennent possession de tout coin de terre inoccupé, sentinelles avancées d’une forêt qui les suivra bientôt. Mais la semence n’est pas toujours le seul moyen de reproduction : la plupart des espèces feuillues ont la propriété de fournir des rejets ou des drageons, c’est-à-dire que, l’arbre étant coupé, la souche restée en terre donne spontanément naissance à un ou plusieurs brins, qui deviennent autant d’arbres nouveaux groupés sur un même point. Cette faculté, dont les arbres résineux sont dépourvus, n’est cependant pas indéfinie ; elle diminue à mesure que les souches vieillissent, et disparaît après un certain nombre d’exploitations. Ces deux modes de reproduction servent de base aux deux systèmes de culture forestière dont nous avons parlé, — la futaie et le taillis[1].

  1. Bien des personnes emploient fréquemment le mot taillis pour désigner une partie de forêt peu âgée ; c’est une erreur : ce mot ne doit s’appliquer qu’aux bois crus sur souches.