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et n’a dès lors qu’une influence fort restreinte sur la diffusion dans le public des doctrines qu’elle professe.

Les Allemands ne comprennent pas notre indifférence à cet endroit, eux qui attachent à l’économie forestière une importance telle que cette étude est le complément indispensable de toute éducation achevée, et qu’elle est exigée pour certaines fonctions qui, comme la diplomatie par exemple, n’ont cependant avec elle aucun rapport. Sans pousser les choses aussi loin, ni adopter leur devise, qui paraît être ante omnia sylvœ, nous voudrions voir le public français dédaigner moins une science qui, à l’intérêt réel qu’elle présente, joint une utilité pratique incontestable. C’est dans cette intention que, donnant suite à quelques études sur l’économie forestière[1], nous nous proposons de faire connaître ici les principes sur lesquels repose la sylviculture, de rappeler les phases diverses qu’elle a traversées avant de se constituer d’une manière définitive, d’indiquer les progrès dont elle nous paraît encore susceptible en France comme en Allemagne.


I

Des différentes espèces d’arbres qui croissent dans nos climats, les uns nous donnent des fruits comestibles, tandis que les autres sont exclusivement propres à la production ligneuse. Transformés par une culture incessante, par la greffe et par la taille, les premiers perdent peu à peu leur aspect primitif, et en les comparant à leurs congénères qu’on trouve dans les forêts, on pourrait douter qu’ils aient une origine commune, si de temps à autre la nature ne reprenait ses droits en exigeant l’emploi de sauvageons pour rajeunir une sève épuisée. Les autres, qu’on a pour ce fait appelés arbres sauvages, végètent au contraire en liberté, restent toujours semblables à eux-mêmes, et peuvent se reproduire sans l’intervention de l’homme. L’étude de la production des fruits est du ressort de l’arboriculture, celle de la production des bois constitue la sylviculture ; la première ne porte que sur les arbres considérés isolément, tandis que la seconde ne s’occupe guère que de ceux qui croissent en massif. Considérée comme art, la sylviculture comprend non-seulement l’exploitation des forêts, mais encore l’ensemble des travaux et des moyens divers d’en accroître le produit. Elle n’est pas uniforme ni invariable dans ses principes, car elle doit, comme l’agriculture, se modifier suivant les circonstances. Le progrès pour elle est dans l’adoption de modes de traitement de plus en plus conformes

  1. Voyez la Revue du 1er février et du 15 juin 1859.