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Les cloisons, le plafond, le plancher, les meubles, tout était en bois de sapin bien poli ; nulle part un grain de poussière. Un râtelier solide, cloué contre le mur principal, supportait deux ou trois fusils de divers calibres, des poires à poudre, des sacs à plomb, des bonnets fourrés, et quelques-uns de ces manchons en peau de renard que les chasseurs portent au temps des battues. Un grand coucou, dont le pendule grinçait bruyamment, sonnait les heures tout auprès ; chaque fois que l’aiguille annonçait une sonnerie nouvelle, l’oiseau mélancolique chantait. On aurait vainement cherché dans les angles de cette pièce ; chaude et tranquille, ces petites statues de la Vierge que la foi catholique des montagnards couronne de fleurs ; point de christ non plus et point d’images de saints, mais en place quelques vieilles gravures représentant des épisodes de chasse et un assez beau portrait de Calvin dans un cadre de bois noir. Tout au bas, une main inconnue avait tracé de l’écriture large et ferme du XVIIe siècle cette date : 10 Juillet 1509, et plus bas ces mots : Que la lumière soit, et la lumière fut. À côté du chef le plus sévère de la réforme, un second portrait à la mine de plomb, crayonné d’une manière large et à grands traits, représentait un vieillard dont la physionomie était empreinte d’un caractère singulier d’énergie et de sombre exaltation. On lisait au-dessous, mais d’une autre écriture, la date du 17 octobre 1685, placée en vedette au-dessus de ce verset de la Genèse : Je suis le Seigneur, votre Dieu, qui vous ai tirés de l’Égypte, de la maison de servitude. L’encre avait un peu pâli. Non loin de ces portraits, dans un coin, se dressait un vieux piano carré à pieds droits, accompagné de quelques cahiers de musique dans leur casier. Des pots de bruyère et de géranium ornaient l’appui des fenêtres. Un beau chien de la race des épagneuls, à la robe noire, dormait auprès du poêle ; au-dessus chantait une bouilloire pleine d’eau. La pluie fouettait par rafales les volets fermés ; on entendait le pétillement des gouttes d’eau contre les ais de sapin, et à intervalles inégaux les sifflemens de la bise, qui secouait la robuste maison. Par une porte intérieure, à demi ouverte, on apercevait une servante en train de frotter vigoureusement la vaisselle d’étain et de faïence sur le bord fraîchement lavé d’un fourneau chargé d’ustensiles de cuivre. Elle fredonnait à voix basse pour accompagner son travail. Dans la grande pièce, aucun bruit, pas une parole, pas un son, si ce n’est le murmure intermittent d’un rouet dont une fileuse faisait tourner la manivelle.

Parmi les cinq personnes qu’on voyait là, quatre avaient entre elles un air de famille, la cinquième paraissait étrangère ; c’était un jeune homme qui portait un costume de chasse, gilet, veste et pantalon de velours marron à côtes, avec des bottes de cuir de Russie