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en présence de méfaits notoires. Depuis Barberousse, les corsaires algériens n’avaient cessé d’infester la Méditerranée et de courir sus à tous les pavillons ; ils étaient la terreur du commerce et tenaient les côtes de Sardaigne et d’Espagne dans de constantes alarmes. Les rivages de l’Afrique septentrionale, dont aucune voile n’approchait sans effroi, étaient devenus une véritable Tauride. Cependant l’impassible Hussein ne parut nullement ému de nos reproches. Il chargea les consuls, qui remplissaient en cette occasion l’office de drogmans, de nous répondre qu’il n’avait jamais fait tort à aucune nation européenne, et qu’il était dans l’intention de régler toujours ses démarches envers les puissances européennes d’après les mêmes principes, mais qu’il ne lui paraissait point nécessaire de nous donner cette réponse par écrit. Nous insistâmes en vain. Le dey fut inflexible. Il ne se refusait pas à renouveler verbalement les assurances les plus pacifiques et les plus solennelles, mais il prétendait que, n’ayant reçu aucune pièce revêtue de la signature des souverains, il croyait devoir également réserver la sienne.

Une seconde audience n’eut pas un meilleur succès. « N’ai-je donc plus le droit, disait le dey, de faire la guerre à mes ennemis ? — Cette question, répondions-nous, est complètement étrangère à notre mission. Nous pouvons cependant vous faire observer qu’une guerre injustement déclarée attirerait probablement sur vous les forces combinées de toutes les grandes puissances de l’Europe. — Déclarez-moi donc franchement que je dois brûler mes armemens ! — Non, conservez-les, comme le font les autres puissances, pour protéger un commerce tranquille ; ne les employez pas à inquiéter celui de toutes les nations. » Ce n’était pas le compte de son altesse africaine. « Je suis bien décidée, répétait-elle, à respecter les traités vis-à-vis des nations qui sont en paix avec moi et qui entretiennent à Alger des agens accrédités ; je défendrai à mes bâtimens de les inquiéter en aucune manière, mais je ne puis me désister du droit de visiter tous les navires sans distinction, car ce n’est qu’ainsi que je puis reconnaître mes amis de mes ennemis. »

Le dey d’Alger avait sans doute puisé ses notions de droit maritime dans les ouvrages de quelque jurisconsulte anglais. Nous lui représentâmes que c’était précisément sur ce point que les hautes puissances fondaient leurs réclamations. En arrêtant les navires, dont ses croiseurs finissaient par trouver les papiers en règle, Hussein-Pacha leur causait un tort considérable, puisqu’après les avoir empêchés de continuer leur route et leur avoir ainsi fait perdre un temps précieux, il les rendait sujets à une quarantaine onéreuse. Le dey n’ignorait aucun des argumens que les défenseurs du droit de visite avaient si souvent invoqués en faveur de leur thèse. « Il pouvait, disait-il, avoir demain la guerre avec la régence de Tunis.