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serait infini : c’est que parmi ces produits rares que l’on essaie soit de naturaliser, soit de faire revivre en Algérie, ceux-là mêmes qui offrent les meilleures chances d’avenir exigent, pour être acclimatés, des avances considérables et une main-d’œuvre à la fois abondante et intelligente. Ces cultures ne peuvent être poursuivies avantageusement qu’à grands renforts de bras et de capitaux. C’est dire qu’elles supposent une société déjà riche et peuplée, et ne sont nullement propres à servir elles-mêmes d’attrait pour faire venir sur la surface d’un sol encore nu la population et la richesse. Ce sont des élémens de prospérité qui pourront se développer dans le sein de la colonie, quand elle aura déjà une existence assurée, mais qui ne peuvent l’aider puissamment ni à naître ni à croître. Dans l’état présent des choses, elles ne vivent que de protection, c’est-à-dire qu’elles coûtent plus qu’elles ne rapportent, car toute protection n’est qu’une manière de faire payer la différence au gouvernement, et le commerce, qui n’aime pas les productions chères et même se méfie d’un bon marché factice et précaire, s’en détourne naturellement. Disons même toute la vérité : sans vouloir décourager absolument de généreuses tentatives, il est impossible d’avoir vécu quelque temps en Algérie sans s’apercevoir que ni le climat ni le sol ne sont assez distincts de ceux des contrées méridionales de l’Europe pour qu’on puisse aspirer à leur faire porter avec abondance des productions essentiellement différentes des nôtres. Les espérances commerciales de l’Algérie ne doivent donc point reposer principalement sur telle ou telle plante d’une culture rare et difficile ; son véritable avenir, c’est de fournir un jour à l’Europe à bas prix, et d’une qualité supérieure, le grand élément de son alimentation quotidienne, le blé. L’Algérie ne sera jamais une grande plantation de’sucre, ni peut-être même de coton ; mais elle peut et doit être un jour le plus grand marché de céréales du monde, un Odessa à trente-six heures de nos côtes. Cette perspective est bien suffisante, surtout en présence du mouvement qui fait délaisser presque partout en Europe l’agriculture pour l’industrie, ce que M. le colonel Ribourt exprime très bien en disant que « l’Europe est de moins en moins une ferme et de plus en plus une usine. » Cet avenir se réalisera, mais quel jour ? Le jour où il y aura en Afrique, au lieu de misérables patres nomades, une population de laboureurs assez intelligens et assez pourvus de capitaux pour exploiter la richesse naturelle du terrain et réparer les torts de ses détestables possesseurs, c’est-à-dire encore le jour où la colonie sera fondée, d’où l’on voit que l’expérience ramène à la conclusion même qu’il avait été facile d’établir à priori, à savoir qu’en Algérie c’est la colonisation qui appellera le commerce, et non le commerce qui peut faire naître la colonie.