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qui vole le bétail d’un colon ou un marabout qui prêche la guerre sainte ; si la police, en un mot, est aussi bien faite dans l’Atlas que dans un quartier de Paris, il faut bien reconnaître que tout cela ne s’est pas fait tout seul, et il faut bien en rapporter l’honneur aux gens qui ont pris la peine d’y travailler.

Sans doute, comme le fait très bien observer un de leurs défenseurs éclairés, M. le colonel Ribourt, les bureaux arabes n’ont point agi seuls dans l’accomplissement de cette tâche ; ils n’ont même jamais rien fait ni rien décidé par eux-mêmes. Simples bureaux et, comme leurs noms l’indiquent, simples conseils des commandans supérieurs, ils n’ont jamais été investis d’aucune responsabilité personnelle, et tous les actes émanés d’eux ont dû toujours être revêtus de la signature de leurs chefs ; mais, d’une part, on sait quelle est, même en pays civilisé, la puissance des bureaux, c’est-à-dire de gens qui restent, qui savent et qui se souviennent, sur des chefs d’administration qui ne font que passer au pouvoir, qui ont tout à apprendre quand ils arrivent, et bien vite tout oublié dès qu’ils sont partis. Les bureaux d’un ministère sont le ministère lui-même, cent fois plus que l’hôte passager du palais officiel. Cett force de la tradition et de l’expérience, déjà si grande parmi nous, a dû se décupler sur une terre inconnue, où le premier élément de toute communication, la langue, faisant défaut aux nouveau-venus, les chefs, pour se faire non-seulement obéir, mais comprendre, sont contraints d’emprunter l’aide de leurs subordonnés. De plus, les jeunes officiers de 1844 sont des hommes mûrs aujourd’hui, et comme le service des bureaux arabes a pu retarder, mais non arrêter leur avancement, et a contribué souvent au contraire à mettre en relief leur mérite, plus d’un est revenu sur la terre témoin de ses modestes débuts avec les épaulettes d’officier-général et les fonctions de commandant de division ou de sub4ivision militaire. D’autres, suivant la voie administrative, sont parvenus aux emplois les plus élevés du gouvernement central à Alger ou du ministère de la guerre à Paris. Ils ont porté dans ces positions nouvelles les sentimens et les habitudes de leur jeunesse. L’esprit des bureaux arabes est donc au fond celui qui a prévalu dans toute l’administration conquérante de la colonie. Ce qu’ils n’ont pas fait, ils l’ont suggéré ; c’est à eux que la France aurait le droit de s’en prendre en cas d’échec ; c’est à eux qu’elle doit savoir gré d’un succès qui tient du prodige.

Après eux, c’est l’ancienne administration, l’administration des gouverneurs-généraux, qui a le droit de s’en attribuer l’honneur, puisque c’est elle qui a fondé les bureaux arabes, puis les a dirigés et soutenus. C’est elle donc qui a le droit de dire à la France, comme le proclame effectivement en son nom M. le colonel Ribourt, qu’elle