Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de conditions d’élégance, de sécurité et de sonorité sont nécessaires pour constituer une bonne salle qui doit être le temple d’un grand drame lyrique, qu’il eût été à désirer qu’on appelât la discussion sur un projet qu’il sera impossible de modifier plus tard. Ces scrupules nous sont inspirés par la connaissance que nous avons de la salle actuelle du grand Opéra de Paris, beaucoup trop vaste pour le charme et la conservation de la voix humaine, et par la lecture d’une publication intéressante, Parallèle des principaux théâtres modernes de l’Europe, de MM. Clément Coûtant et Joseph de Filippi. Des curieux renseignemens contenus dans cet ouvrage, il ressort que c’est la naissance de l’Opéra qui a donné lieu ù l’agrandissement indéfini des salles de théâtre, et les grandes salles sont la cause de l’état déplorable où se trouve aujourd’hui l’art de chanter. Au nom de l’art musical, qui ne s’accommode pas des trop vastes enceintes pour produire ses effets les plus puissans, au nom surtout des pauvres chanteurs, qui ne peuvent résister longtemps aux efforts qu’ils sont obligés de faire, nous demandons que la nouvelle salle de l’Opéra qu’on se propose de construire ne dépasse pas les proportions de celle qui existe depuis quarante ans rue Lepelletier.

Le théâtre de l’Opéra-Comique n’a pas la main heureuse depuis quelque temps. Les mauvais ouvrages s’y succèdent sans intermittence, et ces ouvrages mal venus n’y sont pas mieux exécutés pour cela. Qu’est-ce par exemple qu’Yvonne, opéra en trois actes que l’affiche qualifie de drame lyrique ? Un fastidieux mélodrame bâti sur la vieille donnée des bleus et des blancs, l’antagonisme des royalistes et des républicains dans la guerre de la Vendée, sujet usé aussi bien au théâtre que dans les romans. M. Scribe, qui a commis ce gros péché, a voulu le faire partager à M. Limnander, compositeur de mérite qui a fait les Monténégrins, opéra en trois actes où l’on remarquait d’heureuses inspirations. M. Limnander n’a pu cette fois conjurer l’influence du poème qu’il a eu la faiblesse d’accepter et pallier, par les sons de sa musique, les interminables lamentations d’Yvonne, une vieille fermière vendéenne qui ne cesse de fatiguer le public de son amour pour son fils, Jean. L’action se passe en Bretagne, ce qui n’ajoute rien à l’agrément du sujet. Que dire de l’exécution d’Yvonne, où l’on peut louer quelques morceaux qui, mieux placés, auraient produit un meilleur effet ? Qu’elle ne rachète pas l’ennui mortel qui s’exhale, pendant trois actes et plusieurs tableaux, de cet interminable mélodrame, auquel on a fait de larges coupures depuis la première représentation.

Après la sombre et larmoyante Yvonne, le même théâtre nous a donné le sémillant Don Gregorio, opéra-comique en trois actes, dont le sujet n’est pas moins connu, car il s’agit des vicissitudes d’un pauvre précepteur dans l’embarras. Le libretto de MM. de Leuven et Sauvage a été mis en musique par M. Gabrielli, un Napolitain qui est fixé à Paris depuis quelques années, et à qui l’on doit, à l’Opéra, un ou deux ballets de sa composition. Je ne sais pas si M. Gabrielli a des idées ; mais si cela lui arrive quelquefois, ce n’est pas dans Don Gregorio, dont les fades gazouillemens ne peuvent intéresser personne. Si l’ouvrage de M. Gabrielli obtient un certain nombre de représentations, on les devra à M. Couderc, qui joue le rôle principal, celui du précepteur dans l’embarras, avec son talent habituel, et à Mlle  Pannetrat, qui