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triche n’a besoin de la liberté de la pensée. » M. Orgès signale avec une vraie sagacité politique l’utilité d’une presse libre comme moyen d’influence extérieure, et, dans un état composé de nationalités diverses et désunies, comme moyen de ralliement et d’unité. L’Autriche a besoin de l’étranger, puisque sans les capitaux du dehors elle ne peut mettre en valeur ses richesses naturelles, et elle est menacée dans l’unité de son empire par la tendance des races à se disjoindre. Pour ce double motif, M. Orges l’exhorte à se réconcilier avec l’esprit moderne. « C’est, dit-il, l’interprétation la plus étroite de l’idée de nationalité qui sert de base aux ennemis de l’Autriche dans leurs attaques contre elle. Au-dessus de l’idée de nationalité, il y a pourtant l’idée de progrès. Presse libre, tribune libre, chaires libres, voilà pour l’empire d’Autriche le commencement et la fin de toute réforme. » L’écrivain de la Gazette d’Augsbourg aurait pu signaler aux incorrigibles absolutistes de Vienne le magnifique hommage que lord Palmerston vient de rendre à la presse politique dans une réunion agricole à Romsey. Avec le tact d’un homme qui connaît son siècle, le premier ministre d’Angleterre n’a pas craint de proclamer que la presse politique est un des plus merveilleux, des plus féconds et des plus glorieux instrumens de progrès de notre époque. Il s’adressait à un peuple qui comprend l’utile puissance de ce levier intellectuel et moral, et qui sait estimer les avantages qu’il en retire. Il n’avait pas besoin de faire sentir à ses auditeurs l’aveuglement et l’imbécillité des pays qui, mutilés volontaires, trouvent plus commode d’enchaîner cette force que de s’en servir. S’il eût parlé à ceux-là, il eût pu se borner, pour leur édification, à une simple comparaison et à un simple contraste. Il n’aurait eu qu’à leur montrer, aux deux extrémités de la civilisation européenne, l’Angleterre et l’Autriche, l’une débordant de vie, grâce à la liberté, l’autre débilitée, paralysée et vieillie par la compression, et leur dire de choisir entre la destinée d’un empire et le sort de l’autre.

Il ne faudrait pas laisser croire que l’attention n’est due dans les affaires du monde qu’à ceux qui s’agitent, aux peuples dont la vie est toute pleine de révolutions ou de guerres. C’est par les vues pratiques, même au milieu de discussions assez animées et de préoccupations au sujet de ses possessions transatlantiques, que la Hollande se distingue toujours. Les dernières crises de l’Europe ne pouvaient avoir qu’un retentissement indirect en Hollande ; l’apaisement qui a suivi ne s’est fait sentir que par un petit incident, la démission du ministre de la guerre, le général van Meurs, qui a été remplacé par le baron de Casembroot. Le général van Meurs tenait, à ce qu’il semble, à laisser encore sous les armes la milice appelée pendant la guerre d’Italie, et ce désir était loin de répondre au vœu de l’opinion générale, qui demandait le renvoi immédiat des miliciens dans leurs foyers après le rétablissement de la paix. C’est le signe le plus évident des tendances de l’esprit public. La nouvelle session qui s’est ouverte à La Haye, il y a plus de deux mois déjà, est venue offrir un aliment à cet esprit. Pour la Hollande, il y a toujours deux ordres de faits en instance, les questions coloniales et les questions industrielles, les chemins de fer. Il y avait une raison de plus récemment pour que les Hollandais se préoccupassent, non sans une certaine anxiété, de leurs colonies des Indes orientales : un mas-