Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Italie causent en Europe, aux résultats de la conférence de Würzbourg, tels qu’ils ont été portés à la diète dans les propositions concertées des états secondaires ? Il sera assez tôt de s’occuper de ce travail de réforme partielle tenté sur le pacte germanique lorsque la diète s’y sera sérieusement appliquée. Rien n’annonce malheureusement que l’Allemagne semble près de sortir du marasme où elle est retombée après les excitations si vives de la guerre. La Prusse, toujours condamnée aux velléités et aux hésitations, ne fait rien pour mériter l’ascendant auquel elle aspire. L’Autriche, qui ne pouvait se rajeunir et recouvrer de nouvelles forces qu’en se retrempant dans une politique libérale, fait de pénibles efforts, que paralyse la haine qu’elle continue à nourrir contre la liberté religieuse et la liberté de la pensée. Il n’y a en Autriche qu’un homme d’état de race, c’est le ministre des finances, M. de Bruck, qui lutte avec un courage merveilleux contre la ruine des finances autrichiennes ; mais les ressources de ce courageux esprit ne s’épuiseront-elles pas à travers la politique étroite, bigote, intolérante, du cabinet auquel il appartient ? Était-ce bien le moment pour la cour de Vienne, au lendemain d’un désastre, d’ajouter aux griefs politiques de la Hongrie le frémissement d’une agitation religieuse par des mesures vexatoires dirigées Contre les protestans ? Était-il opportun de bâillonner de nouveau la presse et d’étouffer les controverses publiques, dans un pays que la sénilité a conduit au bord d’un abîme ? On dirait en vérité que le gouvernement autrichien veut donner raison à la prophétie découragée : Austria moribunda, que prononçaient naguère sur elle des voix qui ne demanderaient pas mieux que de se tromper dans leurs tristes prévisions. Faisant allusion aux mesures restrictives auxquelles est de nouveau soumise la presse autrichienne, un journal de Vienne disait naguère : « Les sujets qui appellent la discussion, les questions qui sont sur les lèvres de tous les habitans de l’empire, ne peuvent être abordés, dans les circonstances actuelles, sans le plus grand danger par les journaux indépendans. Si l’année prochaine nous continuons de garder le silence sur certains objets, que nos lecteurs le sachent, notre silence ne doit être attribué ni à l’ignorance publique, ni à la négligence de nos devoirs. » Voilà pour un journal un triste compliment de bonne année à l’adresse du public. Les bons conseils ne manquent pourtant pas au gouvernement autrichien. Ses meilleurs amis les lui donnent avec force. Nous croyons pouvoir citer parmi ceux-là l’un des plus influens publicistes de l’Allemagne, le rédacteur en chef de la Gazette d’Augsbourg, M. Hermann Orges. Ce vigoureux et libéral écrivain a été à coup sûr pour l’Autriche un partisan utile cette année. Il n’hésite point cependant à blâmer l’inintelligence dont le cabinet de Vienne fait preuve à l’égard des journaux. « Tout gouvernement, écrit M. Orges, qui n’a rien à attendre de l’opinion publique et qui la redoute au contraire doit naturellement, dans l’intérêt de sa conservation, opprimer la presse ; mais si des dangers viennent à le menacer au dehors et s’il a besoin de l’appui de l’opinion, il ressent alors à fond les dommages causés par le bâillonnement de la presse. Une presse libre peut seule en effet, à un moment donné, procurer à un gouvernement des bras, des finances, et provoquer l’enthousiasme qui inspire les grands sacrifices. Nous le disons avec l’énergie la plus profonde et la plus convaincue, aucun pays plus que l’Au-