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et de la papauté sont nées de ces interventions aveugles et grossières. Ce n’est pas plus en France qu’en Autriche et en Espagne que se peut trouver la solution de la question romaine : c’est en Italie, car la question est essentiellement italienne. Or il y a assez d’esprit, assez de finesse et de sagacité politique en Italie, aussi bien dans le parti libéral que dans la cour de Rome, pour qu’on s’y puisse entendre sur les nécessités et les avantages mutuels qui doivent lier l’Italie et Rome. Il ne faut pour cela qu’une chose ; c’est que des deux côtés l’on soit bien persuadé que l’on ne pourra plus recourir à l’étranger, ou que l’on n’aura pas à subir une pression étrangère. — C’est impossible, dira-t-on. Essayez. — Il y faudra trop de temps. Qu’importe le temps, puisqu’il n’y a de naturel et de viable que ce qu’il enfante !

Ce qui vaudrait mieux à nos yeux pour la pacification de l’Italie que les arrêts hypothétiques du congrès, c’est le parfait accord de la France et de l’Angleterre. Protégé par la bienveillance des deux grandes nations occidentales, le nouvel ordre de choses qui s’établirait dans l’Italie abandonnée à elle-même pourrait se passer de la reconnaissance officielle des cabinets puristes en fait de légitimité. Toutes les apparences indiquent de plus en plus que l’on peut compter sur cet accord. En tout cas, l’Italie aura au congrès le représentant qu’elle y appelait avec une rare unanimité. M. de Cavour nous arrivera muni d’instructions générales et de pleins pouvoirs. Il sera chargé de démontrer au congrès que les votes de l’Italie centrale n’ont pas été l’ouvrage d’un parti, d’une minorité, qu’ils ont été au contraire l’expression des vœux de la grande majorité des peuples ; il défendra la légitimité de ces votations ; il séparera, comme il l’a fait déjà avec bonheur en de nombreuses occasions, la cause italienne de la cause révolutionnaire ; il défendra donc l’annexion, secondé par les démarches des députés de l’Italie centrale. Parmi ces députés, celui que l’on désigne comme devant représenter Parme, Modène et Bologne est M. Minghetti, un des esprits politiques les plus remarquables de l’Italie. M. Minghetti est Bolonais ; il a été ministre de Pie IX en 1848, et a eu depuis lors le rare mérite de vivre dans son pays sans dévier de la ligne du libéralisme modéré. Lors du dernier voyage de Pie IX à Bologne, le pape le fit appeler et eut avec lui un long entretien sur les affaires du pays. Ce fut le seul membre de l’opposition que le saint-père voulut voir : c’est assez dire quelle est la modération de ses opinions. Nous ne savons encore si la Toscane enverra M. Peruzzi ou M. Matteucci. Au surplus, la nomination de M. de Cavour a fortifié dans l’Italie centrale le mouvement annexioniste. L’on nous cite un curieux exemple de la puissance qu’a dans toute la péninsule le nom seul de cet illustre homme d’état. Au commencement de la guerre, la police de Naples, craignant des désordres, s’avisa d’un curieux expédient. Elle fit fabriquer de fausses lettres, soi-disant écrites par M. de Cavour, où il était recommandé aux patriotes napolitains de demeurer calmes, et de ne pas compromettre le succès de la cause italienne par des mouvemens intempestifs. L’on attribue à cette ingénieuse exploitation du nom de M. de Cavour par la police le maintien de l’ordre à Naples pendant l’époque si critique de la guerre. N’oublions pas les services qu’un autre Italien illustre pourra rendre à son pays dans les circonstances présentes. Nous voulons parler de M. Massimo d’Azeglio, dont le chaleureux