Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toires dont il fallait opérer la distribution. En outre, le congrès de Vienne n’avait à se mouvoir que dans les données de l’ancien droit européen, du droit légitimiste, et ne devait pas rencontrer dans son œuvre les prétentions d’un droit rival, du droit populaire. Enfin le congrès de Vienne n’avait pas sa liberté d’action enchaînée : aucune des puissances qui le formaient n’avait abdiqué pour ses résolutions la sanction de la force.

Quel contraste avec le champ d’action et les facultés du prochain congrès de Paris ! Celui-ci n’a pas de territoires à distribuer ; la guerre d’Italie n’a donné lieu qu’à une conquête, celle de la Lombardie. L’emploi de cette conquête est déjà déterminé par le traité de Zurich. Dans le règlement de la situation du reste de l’Italie, une question de principe domine avant tout les arrangemens territoriaux qu’il y aurait à prendre. Cette question de principe est un conflit entre le principe légitimiste et le droit populaire. Il s’agit de savoir d’abord qui l’emportera, du droit des souverains invoquant les traités et les titres d’hérédité, ou du droit des populations manifestant leur souveraineté par leurs vœux. Personne n’admettra que cette question puisse être éludée au sein du congrès ; il faudrait pour cela que les princes dépossédés commençassent par faire au congrès l’abandon de leurs droits, s’en remettant à lui pour les compensations qu’il saurait leur procurer dans les arrangemens ultérieurs. Or cette abdication générale est parfaitement invraisemblable. Si cette question de principe se pose, et elle sera infailliblement posée, nous voulons bien que la France et l’Angleterre se prononcent nettement et sans réserve pour le droit populaire ; mais il serait absolument chimérique d’espérer qu’elles seraient suivies par les autres puissances. Les autres puissances n’arracheront pas gratuitement de leurs couronnes le rayon divin de la légitimité. N’attendez ni de la Russie, ni de la Prusse, ni de l’Espagne un tel sacrifice et la consécration d’un tel précédent. Les puissances qui s’appuient à la légitimité ne se croiront pas compétentes pour abroger les titres des souverains dépossédés. En tout cas, ceux-ci ne leur reconnaîtraient pas l’autorité de le faire. Si le droit légitimiste dépasse l’autorité d’un congrès, à plus forte raison le droit populaire décline-t-il un tel tribunal lorsqu’il lui est contraire. L’autorité du congrès est donc contestable en pareille matière et sera contestée des deux côtés. Enfin ce qui met le comble aux difficultés du prochain congrès de Paris, c’est que, — la chose est acquise par des déclarations répétées à satiété, — il renonce au pouvoir exécutif ; il n’emploiera pas la force à l’appui de ses décisions. De deux choses l’une donc : ou le congrès se divisera sur les questions de principes et aboutira à une confusion, ou bien, si les cabinets sont devenus miraculeusement sceptiques en matière de légitimité, le congrès empruntera à l’économie politique le principe du laisser faire et permettra aux Italiens de s’arranger comme ils voudront et comme ils pourront. Nous voulons bien céder au torrent de l’opinion, attendre et demander comme tout le monde la réunion d’un congrès ; mais nous avouerons que nous ne partageons pas l’engouement enfantin qu’inspire aujourd’hui cet expédient politique. Pour arriver en effet au résultat que nous entrevoyons, l’on conviendra que ce n’est pas la peine pour les puissances de se réunir en congrès.

Suivons une autre hypothèse. Supposons qu’on s’entende sur la question