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de l’inauguration de l’archevêché, le nonce du pape ne rappelait-il pas « les déclarations solennelles faites par l’empereur et l’illustre ministre ici présent, » et le ministre des cultes ainsi désigné ne répondait-il pas au nonce : « Le cri de guerre retentit en Italie, et il n’a rien, grâce au ciel, qui puisse effrayer le père des fidèles ? C’est l’empereur en effet qui tient l’épée de la France, et dans le feu des combats, au milieu des bataillons ennemis rompus et dispersés, il n’oubliera jamais la modération des pensées, la puissance du droit et le respect des choses saintes. » La paix de Villafranca ne faisait pas allusion aux états du saint-père ; mais elle annonçait la restauration des archiducs dans l’Italie centrale, des archiducs, qui cependant avaient pris parti pour l’Autriche, ce qui semblait impliquer la conservation pure et simple des droits du saint-père sur l’intégrité de son domaine temporel, puisque le saint-père était demeuré neutre pendant la guerre et que sa neutralité avait été reconnue par nous. On ne peut avoir oublié la fameuse note publiée par le Moniteur le 9 septembre, où l’exécution complète du traité de Villafranca était si chaudement recommandée aux populations de l’Italie centrale, où des mots si sévères, les mots de passion et d’intrigue, étaient employés pour qualifier les actes des gouvernemens provisoires, où les meneurs du mouvement italien étaient accusés de plus se préoccuper de petits succès partiels que de l’avenir de la patrie commune. Enfin la lettre de l’empereur au roi de Sàrdaigne, qui semblait donner la mesure extrême des concessions que le gouvernement français était disposé à faire aux vœux de l’Italie centrale, est encore dans toutes les mémoires. L’on remarqua la confiance extrême avec laquelle elle fut accueillie par les organes du parti catholique. Après cette série de témoignages, avec cet ensemble d’évidences, pour nous servir de l’énergique expression anglaise, aurait-on juridiquement le droit d’attribuer au gouvernement français l’inspiration d’un écrit dont la conclusion pratique est ainsi formulée : « Nous voudrions que le congrès reconnût comme un principe essentiel de l’ordre européen la nécessité du pouvoir temporel du pape ? Pour nous, c’est là le point capital. Le principe nous paraît ici avoir plus de valeur que la possession territoriale plus ou moins grande qui en sera la conséquence naturelle. Quant à cette possession elle-même, la ville de Rome en résume surtout l’importance ; le reste n’est que secondaire. » Nous ne le pensons pas. Pourtant voyez avec quel art, quelles précautions, quelles habiletés de mise en scène la brochure a été présentée au public ! Le journal officiel n’a point parlé, il est vrai ; mais les journaux officieux, ceux que l’on a toutes raisons de croire bien informés, ont employé tous les moyens pour nous y faire reconnaître une révélation d’en haut. Avec quelle respectueuse admiration, avec quelle dévotion, pour mieux dire, n’ont-ils point parlé de ces pages sacrées ? Ne sont-ils pas allés jusqu’à traiter d’opposition politique et de rébellion d’esprit de parti le moindre geste de dissidence ou d’incrédulité ? N’ont-ils pas voulu, avec le zèle de la conviction la plus persuasive, nous forcer d’adorer sous les espèces et apparences de la brochure le mystère de la présence réelle ? Ne faudrait-il voir là que les artifices d’une spéculation gigantesque sur la curiosité et la crédulité publiques, la réclame la plus vaste, la mieux ourdie, la mieux soutenue qui ait encore amorcé l’opinion ? Comment ne pas com-