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comme le prouve l’exemple de certains Français établis en Angleterre[1].

Il y a un fait d’ailleurs qu’ont dû mettre en évidence nos études sur les principales boissons alimentaires : c’est l’influence exercée par le climat, les mœurs, les habitudes de travail, sur le développement de la consommation dans les divers pays. On combat les chaleurs sèches de l’Afrique par le café, les chaleurs humides du Nouveau-Monde par le chocolat, les émanations marécageuses sur les divers points du globe par le thé. De là des différences infinies dans l’accueil fait à ces boissons en dehors des contrées d’où elles sont originaires. Le café, qui soutient l’Arabe, forcément sobre durant ses courses au désert, fournit de même un puissant auxiliaire au voyageur exposé à de longues fatigues, au laborieux mineur, contraint, dans les Andes comme en Belgique, de compléter des rations alimentaires à peine suffisantes. Le chocolat est recherché dans tous les pays où règne une température énervante qui fait adopter un breuvage nutritif de préférence à une alimentation solide. Le thé, à son tour, avec la chaleur vivifiante et les douces sensations qu’il répand dans toute l’économie, procure une excitation générale, qui vient en aide aux forces digestives, augmente l’énergie de l’organisme, et oppose une salutaire résistance à l’action débilitante des influences paludéennes. Pour nous en tenir à cette dernière boisson, à l’usage qu’on en fait et qu’on en devrait faire en France, un premier point est également à noter : c’est que, notre climat étant plus sec que celui de la Grande-Bretagne, les populations françaises sont soumises à d’autres conditions hygiéniques. Le thé n’entre pas dans le régime habituel de l’alimentation ; on le réserve pour quelques soirées intimes, pour quelques réunions mondaines, etc. Ce n’est guère que contraints par la maladie et avertis par leurs médecins que les gens de la campagne font usage de cette infusion. Que de pays cependant où le thé pourrait exercer une

  1. Pour se défendre en Chine des influences malsaines du climat, bien plus redoutables que les armées, il faut introduire dans l’alimentation l’usage continuel de l’eau clarifiée, des infusions de thé et des rations suffisamment nutritives, c’est-à-dire contenant des doses bien équilibrées d’alimens féculens ou farineux et de produits azotés ou tirés des animaux. L’usage des viandes conservées devient ainsi indispensable aux Européens qui auraient de la répugnance pour la viande du pays, et, chose singulière, cette branche de l’alimentation européenne est favorisée par la nation qui possède le plus aujourd’hui les sympathies de la Chine. Depuis le siège de Sébastopol, un Français a établi en Crimée, principalement avec le concours des capitalistes russes, une industrie nouvelle qui utilise des débris animaux naguère perdus, et dont les premiers produits, expédiés en France sous forme de conserves alimentaires, viennent d’Être achetés par le gouvernement français, afin d’être ajoutés aux munitions embarquées pour l’expédition de Chine.