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goulots courts, faciles à bouclier lorsqu’on veut s’emparer de toute la nichée, et rangés côte à côte comme certains nichoirs à pigeons dans nos colombiers[1].

Sous la dénomination d’estomacs de poisson, les Chinois consomment les vessies natatoires épaisses du diodon[2], qui fournissent des mets de consistance gélatineuse plus ou moins forte. Parmi les alimens du même genre, ils ont une prédilection marquée pour les ailerons de requins (sortes de nageoires partiellement transformables en gélatine par l’ébullition dans l’eau). Ils recherchent volontiers les moules desséchées, dont l’odeur rance et la couleur brune seraient loin de flatter notre goût et d’exciter notre appétit ; — une espèce de coquillage ou volute de couleur rose orangé tacheté de brun[3] ; — des holothuries, dites limaces ou biches de mer[4], recueillies ou pêchées près des côtes, animaux mous, à peau rude, ayant quelque ressemblance avec de très grosses sangsues, que les Chinois fendent en deux pour en faire écouler un abondant liquide, et dont ils obtiennent une sorte de potage mucilagineux, retenant les lambeaux rugueux et tenaces de la peau flottans au milieu de ce liquide épaissi. Ils obtiennent encore un mets gélatiniforme à l’aide de l’ébullition prolongée dans l’eau des tendons de cerfs et de quelques autres animaux, après avoir, par une énergique trituration, réduit ces tendons en fibrilles ressemblant aux étoupes de chanvre. On sait que les tendons analogues extraits des jambes des veaux, bœufs, vaches, moutons, sont employés en Europe pour la fabrication de la colle forte.

En Chine, on ne laisse pas, comme chez nous, perdre ou jeter au

  1. Les marchands de comestibles ne font aucun mystère sur les espèces d’animaux qu’ils livrent aux consommateurs : les rats et les chats avec leurs longues queues, les chiens avec tous leurs attributs sont exposés en vente à tous les regards ; on les voit dépouillés et pendus par le cou aux traverses et montans des boutiques. Beaucoup d’autres viandes sans doute sont consommées en Chine. « Celle de cochon, dit M. Geoffroy Saint-Hilaire, est considérée comme de première qualité, le cheval et le chien sont ce qu’on appellerait parmi nous des viandes de basse boucherie. »
  2. Pour la détermination des différentes parties des poissons, mollusques, etc., introduits dans l’alimentation chinoise, j’ai été heureux de pouvoir recourir à l’obligeance du savant M. Valenciennes, dont on connaît la parfaite compétence en histoire naturelle.
  3. Voluta melo. Originaires des mers d’Afrique, ces volutes ont le pied charnu très gros. On peut les comparer aux escargots que consomment également les Chinois. Depuis longtemps en faveur dans quelques parties de la France, en Bourgogne, en Bretagne, en Provence, les escargots arrivent maintenant en très grand nombre par les voies de fer à Paris, et font presque concurrence aux huîtres.
  4. Les holothuries sont des zoophytes échinodermes qu’on trouve aux bords de la mer, pourvus de suçoirs extensibles et rétractiles ; ils sont partiellement remplis de liquide, et ne ressemblent guère aux animaux comestibles dont l’homme fait habituellement usage dans les différentes contrées de l’Europe.